L’ironie dramatique : un moteur de conflits pour vos histoires

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L’ironie dramatique compte parmi les principaux outils du scénariste.

Pour comprendre l’intérêt de l’ironie dramatique, laissez-moi vous raconter une histoire.

Un négrier se rend dans une plantation pour acheter des esclaves. À première vue, cela ressemble à l’histoire d’un sale type au 19e siècle. Maintenant, imaginez que l’on rajoute deux informations : ce négrier est en fait un ancien esclave et il utilise un stratagème pour secourir sa femme.

Va-t-il être découvert ? Arrivera-t-il à sauver sa bien-aimée ?

Ces questions ont permis au film Django Unchained de devenir l’un des plus gros succès commerciaux de Quentin Tarantino.

Tout ça grâce à une ironie dramatique générale… et le talent de conteur de Tarantino 😉

 

 C’est quoi l’ironie dramatique ?

Cette technique consiste à :

  • donner une information au public
  • ignorée par un personnage
  • et dont l’ignorance génère du conflit

L’une des ironies dramatiques les plus célèbres se trouve dans le Comte de Monte-Cristo. Dans cette histoire, un jeune marin du nom d’Edmond Dantès est trahi par ses amis jaloux et condamné à la prison. Se faisant passer pour mort, il parviendra à s’échapper, et reviendra sous la fausse identité du Comte de Monte-Cristo. Avec deux objectifs : récupérer sa fiancée et se venger.

Dans cette œuvre, l’ironie dramatique se décompose de la façon suivante :

  • une information est donnée au spectateur (Edmond Dantès est vivant et se fait passer pour un noble)
  • des personnages l’ignorent (la prison a changé physiquement Dantès et personne ne le reconnaît)
  • cette information génère du conflit (si le comte est découvert, il risque le bagne. De leur côté, ses anciens amis doivent découvrir la vérité, sinon ils mourront)

 

La mise en place

La première étape de l’ironie dramatique consiste à montrer au public une information soit par le dialogue, soit par l’action.

Dans Gangster Squad de Ruben Fleischer, une scène montre l’agent Jerry Wooters en train de coucher avec la petite amie du baron du crime Mickey Cohen. Il n’en faut pas plus pour comprendre qu’il s’est mis dans de beaux draps 😉

Dans la saison 4 de Vikings, c’est par le dialogue que s’installe l’ironie dramatique. Le comte Odon explique à sa maîtresse qu’il envisage de s’emparer de la couronne de Francie.

 

L’exploitation de l’ironie dramatique

Une fois l’ironie dramatique mise en place, cela crée une attente pour le spectateur. Vous devez absolument exploiter l’information cachée au risque de décevoir le public.

En gros, si je vous montre quelqu’un en train de dissimuler une bombe sous une voiture et que je la fais péter tout de suite, vous ne ressentirez rien de particulier.

Par contre, si je commence à vous montrer un professeur qui se dirige vers la voiture, la tension dramatique commence à monter.

Imaginons ensuite que sur le chemin le professeur est rattrapé par un étudiant et qu’une discussion s’engage. La tension monte encore.

Une question dramatique est clairement posée : la bombe va-t-elle tuer le professeur ?

Finalement, l’enseignant annonce à son élève qu’il doit partir et s’apprête à ouvrir la portière.

Mais au dernier moment, il s’aperçoit qu’il a fait tomber son portefeuille en arrière…

Toute de suite, l’histoire devient plus intéressante grâce à un jeu de retardement.

Concrètement, vous devez faire deux choses à cette étape :

  • retarder la révélation de l’information
  • créer des événements qui rapprochent de plus en plus le personnage ignorant de la vérité…et ses conséquences

 

La résolution

Dernière étape de l’ironie dramatique : la révélation de l’information.

En tant qu’auteur vous avez trois choix :

  • révéler toute la vérité au personnage ignorant
  • révéler une partie de la vérité
  • ne pas révéler l’information

Généralement, la première option est à privilégier car elle permet d’octroyer un moment fort au spectateur : la réaction du personnage ignorant.

Certains auteurs dramaturgiques, comme Lavandier, parlent même de « scène obligatoire ».

Toutefois, si l’ironie dramatique est locale, il est toutefois possible de se passer de révélation.

 

Ironie dramatique locale vs générale

L’ironie dramatique générale est une histoire construite sur une ironie dramatique. Que ce soit :

  • se déguiser en homme pour partir à la guerre (Mulan)
  • tromper la société pour partir dans l’espace (Bienvenue à Gattaca)
  • tenter de rentrer dans le présent sans modifier le passé (Retour vers le futur)

Dans cette hypothèse, il y aura presque toujours la révélation de l’information cachée.

À l’inverse, l’ironie dramatique locale ne dure pas toute l’histoire mais seulement quelques scènes. L’objectif est alors de créer de la tension, un effet comique ou horrifique pour garder l’attention du spectateur.

Dans la scène d’ouverture d’American Pie, un jeune homme est en train de regarder un film pornographique quand soudain ses parents rentrent dans la chambre. Il tente alors le tout pour leur tout : leur faire croire qu’il regarde un documentaire animalier.

Ici, l’ironie dramatique ne dure que le temps de faire la blague, c’est pourquoi on parle d’ironie dramatique locale.

La révélation de l’information cachée n’est pas obligatoire, car elle relève de l’effet ponctuel et a souvent moins de conséquences sur l’intrigue.

 

Ironie dramatique diffuse

Vous voyez ce moment dans les films d’horreur où un personnage dit « on va s’en sortir » et que tout le monde meurt à la fin ? C’est ça l’ironie dramatique diffuse.

Il s’agit d’une information donnée par un personnage, que le spectateur pressent comme « fausse ».

Ce type d’ironie est particulière car elle se base, non pas sur une information donnée au public, mais sur la culture du spectateur.

C’est un jeu entre le scénariste et son public. Si la personne comprend la référence tant mieux, sinon tant pis.

 

Conclusion :

L’ironie dramatique est un puissant moteur de conflits. Elle peut rendre une histoire morne plus intéressante.

Toutefois, une petite mise en garde avant de finir. L’ironie dramatique ne doit pas vous écarter de votre intrigue principale. Elle doit servir à faire avancer l’histoire et pas seulement être un effet de style.

 

Un grand merci à Story&Drama de m’avoir accueilli sur son blog. Je m’appelle Martin et je m’intéresse à la narratologie. J’ai d’ailleurs écrit un article sympa qui explique comment utiliser les dialogues dans une histoire. Si le cœur vous en dit, vous êtes les bienvenus 🙂

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