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Tupac & Dr Dre – California Love – Traduction et explication des paroles
2pac feat Dr.Dre - California Love HDRefrain
California, knows how to party
La Californie, sait faire la fête
California, knows how to party
La Californie, sait faire la fête
In the city of L.A.
Dans la ville de L.A.
In the city of good ol’ Watts
Dans la bonne vieille ville de Watts
In the city, the city of Compton
Dans la ville, la ville de Compton
We keep it rockin’, we keep it rockin’
On continue de balancer
Couplet 1 – Dr Dre
Now let me welcome everybody to the Wild, Wild West
Maintenant permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans l’ouest sauvage, sauvage
A state that’s untouchable like Elliot Ness
Un Etat intouchable comme Elliot Ness
The track hits ya eardrum like a slug to ya chest
La piste frappe ton oreille comme une balle sur ton torse
Pack a vest for your Jimmy in the city of sex
Prends un gilet pare-balles pour ton Popaul dans la cité du sexe
We in that sunshine state with a bomb ass hemp beat
Nous dans ce soleil on gère avec une bombe de beat bien défoncé
The state where ya never find a dance floor empty
L’Etat où tu trouves jamais un dancefloor vide
And pimps be on a mission for them greens
Et les proxos sont à la chasse aux billets verts
Lean mean money-makin-machines serving fiends
Appuyer sur ces méchantes machines à fric servant des monstres
I been in the game for ten years making rap tunes
ça fait dix ans que je suis dans le game à faire des tubes rap
Ever since honeys was wearing Sassoon
Déjà quand les chéries portaient des coupes Sassoon
Now it’s ‘95 and they clock me and watch me
Maintenant c’est 95 et ils me mesurent et me regardent
Diamonds shinin’, lookin’ like I robbed Liberace
Diamants brillants, on dirait que j’ai braqué Liberace
It’s all good, from Diego to the Bay
C’est tout bon, de Diego à la Baie
Your city is the bomb if your city making pay
Ta ville c’est de la bombe si ta ville te paie
Throw up a finger if ya feel the same way
Mets un doigt en l’air si tu penses la même chose
Dre putting it down for Californ-i-a Yeah
Dre représente pour la Californie ouais !
Refrain
California (California) knows how to party (knows how to party)
California (west coast) knows how to party (yes they do)(that’s right)
In the city of L.A. (city of L.A.)
In the city of good ol’ Watts (good ol’ Watts)
In the city, the city of Compton (city of Compton)
We keep it rockin! We keep it rockin’ (come on, come on, come on)
Shake it shake it baby
Shake it shake it, shake it baby
Shake it shake it mama
Shake it Cali
Shake it shake it baby (that’s right, uh)
Shake it shake it baby baby, shake it shake it mama, shake it Cali
Couplet 2 – Tupac
Out on bail fresh outta jail, California dreaming
Relâché sous caution, fraîchement sorti de prison, rêve californien
Soon as I stepped on the scene, I’m hearing hoochies screamin
Dès que je monte sur la scène, j’entends les groupies hurler
Fiendin for money and alcohol
Obsédées par le fric et l’alcool
The life of a west side player where cowards die
La vie d’un flambeur de l’ouest où les lâches meurent
And its all war
Et où c’est la guerre généralisée
Only in Cali where we riot not rally to live and die
Juste à Cali où on fait des émeutes plus que des manifs, vivre et mourir
In L.A. we wearing Chucks not Ballys (that’s right, uh)
A L.A. on porte des Chucks pas des Bally (c’est vrai, uh)
Dressed in Locs and khaki suits and ride is what we do
Fringué en Locs et costumes beige et frimer au volant c’est ce qu’on fait
Flossing but have caution we collide with other crews
Mais fais gaffe on se collisionne avec d’autres crews
Famous ‘cause we program worldwide
Célèbres parce qu’on programme mondialement
Let’em recognize from Long Beach to Rosecrans
Laisse-les se rendre compte de Long Beach à Rosecrans
Bumping and grinding like a slow jam, it’s west side
Bondissant et grinçant, comme un embouteillage lent, c’est tout l’ouest
So you know the row won’t bow down to no man
Alors tu sais le couloir va plier devant personne
Say what you say
Dis ce que tu veux
But give me that bomb beat from Dre
Mais passe-moi cette bombe de beat de Dre
Let me serenade the streets of L.A.
Laisse-moi sérénader les rues d’L.A.
From Oakland to Sactown
D’Oakland à Sactown
The Bay Area and back down
La région de la baie et retour
Cali is where they put their mack down, give-me love !
Cali c’est là qu’ils posent leurs flingues, donne-moi de l’amour !
Refrain
California (California) knows how to party
California, knows how to party (come on baby)
In the city (south-central) of L.A. (L.A.)
In the city of good ol’ Watts (uh, that’s right)
In the city, the city of Compton (yup, yup)
We keep it rocking! We keep it rocking (yeah, yeah now make it shake, c’mon)
Shake it shake it baby (uh)
Shake it shake it, shake it baby (yeah)
Shake it shake it mama
Shake it Cali (shake it Cali)
Shake it shake it baby (shake it Cali)
Shake it shake it, shake it shake it mama (west-coast) shake it Cali
Outro – Dr Dre / Tupac
Uh, yeah, uh, Long Beach in the house, uh yeah
Uh, ouais, uh, Long Beach dans la place, uh, ouais
Oaktown, Oakland definitely in the house
Oaktown, Oakland sont dans la place
Frisko, Frisko
San Francisco
Hey, you know LA is up in this
Hé tu sais, L.A. s’y connait
Pasadena, where you at
Pasadena, où vous êtes
Yeah, Inglewood, Inglewood always up to no good
Ouais, Inglewood, Inglewood toujours prêt pour les mauvais coups
Even Hollywood trying to get a piece baby
Même Hollywood essaie d’en avoir un peu bébé
Sacramento, Sacramento where ya at? yeah
Sacramento, Sacramento t’es où ? ouais
Throw it up y’all, throw it up, Throw it up (I can’t see ya)
Allez-y allez-y vous tous (je vous vois pas)
California Love
Amour californien
Let’s show these fools how we do this on that west side
Montrons à ces idiots comment on le fait dans l’ouest
‘Cause you and I know it’s the best side
Passke toi et moi on sait que c’est le meilleur côté
Yeah, that’s right
Ouais, c’est ça
West coast, west coast
Côte ouest, côte ouest
Uh, California Love
Uh, Amour californien
California Love
Amour californien
Yeah
Tupac & Dr Dre – California Love – Explication des paroles
Note : comme d’habitude, on va utiliser comme outils d’analyse des paroles les concepts narratifs présentés dans les cours Art narratif.
California Love !…
Amour californien !…
Parfois, les choses sont claires d’entrée. Vous faites écouter un sample de ces deux mots avec cette voix aiguë et maniérée à n’importe quel fan de hip-hop d’avant 1995, et vous lui demandez si c’est du rap, et la réponse sera un grand rire sarcastique.
”Du rap qui envoie de l’amour, hm ??” vous répondra n’importe quel gangster de vos amis.
Bref, d’office, Dre et Tupac ont annoncé la couleur : ce morceau va établir un nouveau style, sortir de la déprime des ghettos noirs, et faire la fête sous le même soleil californien que les hippies de la génération précédente.
Autrement dit, déjà bien enrichis à l’époque par leurs activités dans le show-business, les deux rappeurs ont décidé de s’intégrer, et de ne laisser personne au moins en Californie ignorer qu’ils font désormais partie du décor et des gens heureux de célébrer le Rêve américain, à égalité avec les blancs.
Refrain
California, knows how to party
La Californie, sait faire la fête
D’office, on voit que ce morceau impose un nouveau style de rap.
Tous les précédents morceaux commençaient par le couplet, la voix d’un gangster qui vient dire l’essentiel de son message dans un refrain-slogan. Or ici, on ouvre sur un refrain, et pas n’importe lequel.
Déjà, la voix est trafiquée, électronique, et rappelle des styles très mainstream comme la Dance de l’époque.
Ensuite, ce refrain est super entraînant, dansant, positif, funky, et invite à la fête. On est bien loin des refrains hostiles, agressifs, ou sinistres du gangsta-rap d’avant la percée vers le mainstream.
La Californie : comme souvent dans les chansons, le chanteur définit son public en l’interpellant.
Or, définir ce public-là, ça montre le chemin qu’a déjà fait le hip-hop dans la culture, car on se rappelle que les gars énervés de STRAIGHT OUTTA COMPTON ne revendiquaient que leurs rues de Compton, malgré leur ambition ils étaient loin, Dre l’a dit plus tard, d’imaginer qu’ils auraient un succès autre que purement local. 7 ans et de nombreux tubes et millions de dollars plus tard, depuis Los Angeles Tupac & Dre visent maintenant à séduire la Californie tout entière.
Or la Californie, on sait ce que c’est dans le monde entier. De New York à Tokyo en passant par Paris, Londres et Berlin, c’est la région du monde qui fait rêver les masses américanisées, préparées de longue date par un siècle de cinéma hollywoodien et de culture californienne, largement à la gloire des icônes locales, des cow-boys et shériffs aux gangsters et rappeurs, en passant par Mickey Mouse, les écrivains de la Beat generation, les hippies, les serial-killers, les flics à la Clint Eastwood, et les geeks. Evoquer la Californie, c’est un choix finalement facile pour un artiste californien, c’est parier sur une valeur sûre, car le public est déjà conquis depuis des générations par les multiples charmes de l’Ouest sauvage. Comparez : est-ce que la criminalité des jeunes mâles indiens aurait pu toucher le monde autant que celle des jeunes californiens ? Non, parce que le public mondial ne serait en rien préparé à la prendre en considération.
En fait, cette chanson marque un peu l’entrée du hip-hop dans le capitalisme culturel, le moment où il s’affirme comme produit de masse, le moment où le gangster, retiré des affaires trop dangereuses, préfère faire fructifier son image à la banque, et la banque de l’époque dans le monde de la musique, c’est MTV, le principal prescripteur. Conquérir le monde via MTV, cambrioler le monde blanc par la séduction, garder l’esprit gangsta mais en faire une pub super sexy pour l’American Way of Life, revu et corrigé par les nouvelles élites noires – car Dre et Tupac sont déjà des stars millionnaires, des studio gangsta, loin de la misère de la rue.
California, knows how to party
La Californie, sait faire la fête
In the city of L.A.
Dans la ville de L.A.
Il va citer L.A., puis deux quartiers ou villes périphériques à majorité ou à identité noire, oubliant sciemment une grande ville comme San Francisco, ou évidemment, les villes riches comme San Diego, Santa Monica…
In the city of good ol’ Watts
Dans la bonne vieille ville de Watts
In the city, the city of Compton
Dans la ville, la ville de Compton
We keep it rockin’, we keep it rockin’
On continue de balancer
C’est surprenant dans la bouche d’un rappeur. Il rocke, il ne rappe pas ? Cela illustre le choix d’élargir le public de ce morceau pour en faire un tube incontestable, stratégie qui a très bien fonctionné. Le public américain de l’époque tourne toujours au rock. Alors, Tupac et Dre font du rock.
Couplet 1 – Dr Dre
Now let me welcome everybody to the Wild, Wild West
Maintenant permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans l’ouest sauvage, sauvage
Now let me welcome : cette formule orale usuelle se retrouve dans la bouche de présentateurs/présentatrices de spectacles – et ici, avec la mention de l’ouest sauvage, rappelle les présentateurs de spectacles folkloriques. Cela pourrait être dit par un guide touristique amusant. Or WILD, WILD WEST, c’était justement le titre d’une célèbre émission de télévision américaine dans les années 60, racontant des histoires de la fin du 19è siècle. C’est comme si Dre jouait au cow-boy, un siècle plus tard.
La même formule rappelle aussi le rôle de Dr Dre en tant que MC dans les tubes de N.W.A., donnant la parole à ses chanteurs.
Elle fait donc un peu le lien de l’un à l’autre.
Everybody : la chanson dit donc qu’elle s’adresse à tout le monde. Comme dans l’évocation de la Californie comme thème et destinataire, on définit donc un public large, mainstream, pas du tout limité aux ghettos noirs.
A state that’s untouchable like Elliot Ness
Un Etat intouchable comme Elliot Ness
The Wild Wild West, a state… : cela identifie donc la Californie comme étant exactement identique au Wild Wild West, ce qui n’est pas tout à fait vrai – l’Ouest sauvage couvrait aussi le Nevada, le Nouveau-Mexique, le Texas, l’Oregon, l’Etat de Washington, etc. Mais la Californie est le plus peuplé, le plus riche, le plus connu et le plus représentatif de ces Etats.
Intouchable : le terme peut avoir un double sens,
- intouchable parce que plein de parias comme en Inde,
- intouchable parce que la Californie est la zone la plus extrême et la plus authentique du Far West, sa réputation est bien établie et incontestable,
- intouchable aussi parce que c’est le coeur du rap West Coast, que viennent justement défendre et représenter ici Dr Dre et Tupac devant le public mondial
- et intouchable comme dans le film THE UNTOUCHABLES, où le flic Elliott Ness et un groupe de flics “untouchables”, incorruptibles, pourchasse le gangster Al Capone. Elliot Ness fait partie de la mythologie américaine et c’est donc une autre valeur sûre.
A ce stade des paroles, on a donc posé une toile de fond claire et séduisante, la Californie et un de ses nouveaux Héros, le gangsta-rappeur héritier des cow-boys.
The track hits ya eardrum like a slug to ya chest
La piste frappe ton oreille comme une balle sur ton torse
Cette belle métaphore fait implicitement référence au chanteur lui-même, puisqu’il est le producteur et compositeur de cette track. Et elle le décrit en gangster qui, donc, tire dans le public avec sa piste qui frappe comme une balle.
Pack a vest for your Jimmy in the city of sex
Prends un gilet pare-balles pour ton Popaul dans la cité du sexe
Le vers reprend la métaphore précédente, mais… par métaphore : le début, pack a vest, invite le public à enfiler son gilet pare-balles, comme pour se protéger de la piste/balle, mais en fait ce gilet pare-balles désigne un préservatif. Même si l’allusion reste légère, Dre et Tupac savent qu’Eazy-E est mort des conséquences du SIDA quelques mois plus tôt…
We in that sunshine state with a bomb ass hemp beat
Nous dans ce soleil on gère avec une bombe de beat bien défoncé
We in that sunshine state : la formule a deux sens et deux grammaires :
Soit on comprend “We, in that sunshine, state” (that….), où state est un verbe, et qui voudrait dire : nous, sous ce ciel ensoleillé, établissons (que…).
Soit on comprend “We, in that sunshine state”, où state est un nom, et qui voudrait dire “nous, dans cet Etat ensoleillé”.
The state where ya never find a dance floor empty
L’Etat où tu trouves jamais un dancefloor vide
On rebranche sur le thème et le décor de la Californie, ce qui en fait un peu l’héroïne de la chanson.
DANCE FLOOR : l’indication de genre est clairement posée puisqu’à travers cette allusion les rappeurs avouent qu’ils font de la Dance et plus seulement du rap, ou disons une hybridation des deux.
And pimps be on a mission for them greens
Et les proxos sont à la chasse aux billets verts
Ce vers évoque l’univers de la délinquance, qui fait partie du décor.
Cette chasse aux billets verts est aussi celle des rappeurs…
Lean mean money-makin-machines serving fiends
Appuyer sur ces méchantes machines à fric servant des monstres
Le vers est très fun à cause de son amusante beauté sonore.
Ces machines à fric, c’est encore et toujours métaphoriquement les rappeurs, qui se sont lancés dans le casse musical du siècle.
Le terme fiends est fort, et ambigu. Il signifie “monstres” ou “démons” ou “addicts” suivant le contexte. Ici, on peut penser qu’il désigne à la fois les clients addicts aux machines à sous que les exploitants cyniques de la folie humaine : les deux sont un peu des monstres, animés par le démon du jeu.
I been in the game for ten years making rap tunes
ça fait dix ans que je suis dans le game à faire des tubes rap
A mi-chemin, exactement au 9è vers sur 16, le couplet change de thème, le chanteur parle enfin au “je”.
Il revendique son ancienneté dans le rap – cette affirmation de soi comme Parrain d’un genre musical prend la suite des histoires de gangster. Dre assume d’être un musicien plutôt qu’un vrai gangster.
Ever since honeys was wearing Sassoon
Déjà quand les chéries portaient des coupes Sassoon
Honeys : honey, c’est ma chérie, mais d’ordinaire c’est singulier. Vous remarquez ? Ce mot sonne ironique envers les auditrices, mais gentil, correct. Dre ne dit plus “bitches” ? Des injures misogynes auraient pu compromettre le succès commercial dans les clubs du monde occidental… pas folle la guêpe !
Sassoon est un célèbre coiffeur qui a réinventé la coupe au carré, plus courte.
Now it’s ‘95 and they clock me and watch me
Maintenant c’est 95 et ils me mesurent et me regardent
Jeu de mots marrant, entre
- les verbes to clock, chronométrer ou mesurer, et to watch, regarder,
- et les noms communs, a clock, une horloge, et a watch, une montre.
Le sens du vers c’est “je suis devenu une star qu’elles admirent”.
Diamonds shinin’, lookin’ like I robbed Liberace
Diamants brillants, on dirait que j’ai braqué Liberace
Diamonds shinin’ : notez l’efficacité de ce style d’écriture, en collage d’expressions fortes, sans avoir besoin de tout mettre en phrases grammaticalement bien structurées. Plus dense, plus fort !
Liberace : allusion à un célèbre pianiste virtuose à l’image très kitsch.
It’s all good, from Diego to the Bay
C’est tout bon, de Diego à la Baie
It’s all good veut aussi dire, “avec mes richesses, tout va bien pour moi”. On est loin de la misère originelle, le gangsta-rap a fait de la maille et vit maintenant dans le luxe.
From Diego to the Bay : cela ramène au rapide panorama initial qui mentionnait L.A., Watts et Compton, mais en élargissant à deux villes riches et à majorité blanche : San Diego et San Francisco (dont la célèbre baie fut chantée par Otis Redding).
Your city is the bomb if your city making pay
Ta ville c’est de la bombe si ta ville te paie
Double sens : c’est une généralité potentiellement vraie, et c’est aussi concrètement le cas de Dre, qui s’est considérablement enrichi en faisant fructifier ses origines, STRAIGHT OUTTA COMPTON.
Throw up a finger if ya feel the same way
Mets un doigt en l’air si tu penses la même chose
Ambiguité là encore, puisque ce doigt en l’air, signe de révolte et de défiance, devient un signe de rassemblement, un code socialement accepté, prescrit même, presque obligatoire (sinon, t’es pas cool comme ce rappeur).
Dre putting it down for Californ-i-a Yeah
Dre représente pour la Californie ouais !
Un dernier double sens pour la route : to put it down, c’est aplatir, marquer l’essai, au football americain. Mais to put it down, c’est aussi noter quelque chose, prendre note par écrit. Donc Dre marque l’essai pour la Californie en nous livrant ses notes sur la Californie.
Refrain
California (California) knows how to party (knows how to party)
California (west coast) knows how to party (yes they do)(that’s right)
In the city of L.A. (city of L.A.)
In the city of good ol’ Watts (good ol’ Watts)
In the city, the city of Compton (city of Compton)
We keep it rockin! We keep it rockin’ (come on, come on, come on)
Shake it shake it baby
Shake it shake it, shake it baby
Shake it shake it mama
Shake it Cali
Shake it shake it baby (that’s right, uh)
Shake it shake it baby baby, shake it shake it mama, shake it Cali
Ces “shake it”, bouge-le, agite-le (qui ? ton cul !) prouvent aussi que California Love est une chanson faite pour séduire les clubs et le grand-public avec des injonctions festives et sexy.
Couplet 2 – Tupac
Out on bail fresh outta jail, California dreaming
Relâché sous caution, fraîchement sorti de prison, rêve californien
Relâché sous caution : c’est littéralement vrai, puisque cette chanson et tout l’album ont été enregistrés aussitôt après la libération sous caution de Tupac.
California Dreaming : c’est le titre de la célèbre chanson des Mamas and Papas, le groupe hippie.
La juxtaposition des deux éléments, l’autobio de gangster et le tube hippie, sonne amusante. Elle semble vouloir dire que le chanteur est rentré direct de la prison au rêve californien, à enregistrer du rap-dance en fumant de la bonne herbe locale.
Soon as I stepped on the scene, I’m hearing hoochies screamin
Dès que je monte sur la scène, j’entends les groupies hurler
Monter sur scène, c’est justement ce qu’il vient de faire en commençant son couplet, prenant la parole, s’imposant sur la scène auditive.
J’entends les groupies hurler : c’est une prophétie auto-réalisatrice, une phrase performative, car en fait, Tupac parle de cela parce qu’il veut que cela arrive, et le fait de le suggérer clairement est probablement une bonne manière de s’assurer que cela arrive. Le chanteur qui veut être aimé chante “Les gens m’aiment”…
Fiendin for money and alcohol
Obsédées par le fric et l’alcool
Une petite pensée misogyne au passage…
The life of a west side player where cowards die
La vie d’un flambeur de l’ouest où les lâches meurent
La vie : c’est beaucoup dire, vu le peu qu’il vient de raconter.
Un flambeur de l’ouest : un player, c’est quelqu’un qui joue avec la vie, le hasard, les femmes, les plaisirs. Cet auto-portrait illustre le tournant hédoniste du gangsta-rap enrichi.
Où les lâches meurent : par déduction, ceci implique que Tupac s’auto-décrive comme courageux, vu qu’il est toujours bien vivant. Il sera assassiné à L.A. environ un an après l’enregistrement de ce titre. Comme quoi, lâche ou pas, tout le monde meurt aussi à l’ouest.
And its all war
Et où c’est la guerre généralisée
Dans le west side, c’est la guerre :
- des cow-boys contre les voleurs de chevaux, des colons contre les indiens
- des noirs contre les blancs et inversement, et de toute minorité ethnique contre les autres
- de la police contre le crime et inversement
- des gangs
- …
Bref, c’est vrai que c’est un endroit très conflictuel.
Only in Cali where we riot not rally to live and die
Juste à Cali où on fait des émeutes plus que des manifs, vivre et mourir
Joli jeu de sonorités, répétition des i et de li.
Cali : cette façon de désigner la Californie la rapproche de Cali, la ville du célèbre Cartel de drogue.
Emeutes : allusion aux terribles émeutes de Los Angeles en 1992.
Le portrait de la Californie continue, montrant que cet Etat et sa faune sont le thème central de cette chanson.
In L.A. we wearing Chucks not Ballys (that’s right, uh)
A L.A. on porte des Chucks pas des Bally (c’est vrai, uh)
Des Chucks, c’est des chaussures Converse, une marque appréciée par les jeunes, et pas trop chère. Des Bally, ce sont des chaussures beaucoup plus chères et inconnues dans les quartiers.
Ces mentions de marques de fringues ne sont pas anodines car les gens de Death Row et du hip-hop avaient manifestement quelques idées de business, et au fil des années on a vu de plus en plus de rappeurs riches investir dans l’industrie musicale, textile, immobilière, cannabique, et créer des marques.
Dressed in Locs and khaki suits and ride is what we do
Fringué en Locs et costumes beige et frimer au volant c’est ce qu’on fait
Locs : lunettes comme celles d’Eazy-E…
Ces vers, on dirait une pub pour l’industrie, car clairement le rappeur promeut ce style vestimentaire “streetwear” qui sera le grand nouveau créneau de “la mode” dans ces années 90-2000, tout ce qui fait ghetto va devenir populaire et massif, remplaçant les fringues de la précédente vague de mode, le rock, la musique hippie puis le punk.
Ride is what we do : en américain cette phrase coule, en français elle est moins évidente à comprendre. To ride, c’est conduire, to ride a car or a motorcycle or a bike, conduire une voiture ou une moto ou un vélo. Mais c’est aussi toute une culture qui s’exprime dans ce verbe, c’est aussi le fait d’être cool au volant, d’être un Hell’s Angels à moto, d’être au volant d’une voiture de luxe, etc. Et donc en fait ce que veut dire Tupac ici, c’est qu’en Californie on a cette culture de la coolitude motorisée, c’est devenu une seconde nature, “it’s what we do”, c’est ce qu’on fait, c’est comme ça qu’on est.
Flossing but have caution we collide with other crews
Mais fais gaffe on se collisionne avec d’autres crews
Voyez comment la violence a diminué depuis les paroles de N.W.A. On frime toujours à envoyer des menaces, mais bien édulcorées.
We collide : jeu de mots, en harmonie avec to ride, comme si le fait de se clasher avec d’autres groupes découlait de la coolitude au volant.
Famous ‘cause we program worldwide
Célèbres parce qu’on programme mondialement
La flagrante vantardise de ce vers, affirmation de réussite et d’ambition, participe du mouvement d’empowerment (émancipation) de la population afro-américaine comme du monde du rap, parfaitement en phase avec les valeurs standard de l’Amérique blanche, où on juge les gens à leur célébrité, comme si c’était un bien en soi. (Il s’agit d’une fausse valeur, car Hitler, Staline, Charles Manson, Britney Spears, Marc Dutrou, sont célèbres, et alors ? Le fait d’avoir des qualités est distnct du fait qu’on les connaisse.)
C’est pas pour faire chier, mais ce vers est quasiment un mensonge. Tupac et les californiens ne sont pas “célèbres parce qu’ils programment mondialement”. Tupac n’est pas un intellectuel et sa connaissance de sa société semble très faible, ce qui est logique étant donnés ses centres d’intérêt futiles (fringues, voitures…)
Les californiens réussissent et atteignent la célébrité, d’abord parce qu’ils ont volé un continent entier en génocidant ses habitants, puis exploité pendant 4 à 500 ans des millions d’esclaves, ensuite parce qu’ils ont exploité la nature en toute liberté, dévastant leur environnement en un siècle.
Vous voulez des californiens célèbres qui programmaient mondialement ? Vous avez Walt Disney, exploiteur de dessinateurs/dessinatrices, plagiaire de la culture européenne, délateur anti-communiste, vendant de l’idiotie mondialement. Vous avez aussi Elvis Presley, le blanc qui vole leur musique aux noirs et qui passe à la télé à leur place, plagiant leurs tubes. Hitler aussi programmait mondialement, et Krouchtchev, et Mao, et Kennedy.
Les californiens réussissent aussi parce qu’ils sont un des Etats les plus peuplés des Etats-Unis, qui est devenu l’exploiteur du monde au 20è siècle. Tupac n’y est pour rien s’il est né californien plutôt qu’africain ou chinois, il hérite de privilèges volés. On l’aurait mis en Chine, il aurait eu beau avoir des ambitions mondiales, il n’aurait rien réussi du tout. C’est une illusion facile que de se croire puissant parce qu’on appartient à une société riche…
Les rappeurs eux-mêmes sont célèbres aussi parce qu’ils ont volé l’argent qui a servi à les lancer et sans lequel ils seraient restés dans la rue, c’est le cas du label Death Row qui produit cette chanson, et qui a été monté avec de l’argent extorqué par Suge Knight au rappeur blanc Vanilla Ice.
Bref, on a là un rappeur qui a abandonné tout savoir critique, et qui préfère donner une excellente image de sa région natale, parce qu’il en est devenu le publicitaire, il vend la Californie au monde, qui l’aime déjà et en boit déjà tous les jours comme du Coca-Cola. La prise de risque artistique est NULLE, et de la part de quelqu’un qui prétend vivre dangereusement, ça confine à l’hypocrisie.
Let’em recognize from Long Beach to Rosecrans
Laisse-les se rendre compte de Long Beach à Rosecrans
On continue de faire des clin d’oeils flatteurs aux habitants. Il fait un peu la pute en fait, il racole.
Bumping and grinding like a slow jam, it’s west side
Bondissant et grinçant, comme un embouteillage lent, c’est tout l’ouest
Jolie description imagée des mythiques embouteillages californiens, Etat qui aime cramer du pétrole en masse.
So you know the row won’t bow down to no man
Alors tu sais le couloir va plier devant personne
Très jolie assonance, répétition de 6 fois le son “o” ou “ow”.
The row = the death row = le couloir de la mort ; mais littéralement row signifie “une rangée”.
Say what you say
Dis ce que tu veux
But give me that bomb beat from Dre
Mais passe-moi cette bombe de beat de Dre
Compliment à Dre, ce vers participe aussi de la logique d’empowerment qui imprègne la chanson.
Let me serenade the streets of L.A.
Laisse-moi sérénader les rues d’L.A.
On reprend la liste des “coucou” envoyés au public californien.
Serenade : l’emploi de ce terme plutôt que d’un autre est remarquable. Le sens de base du verbe dans ce vers et ce contexte, c’est chanter. Chanter la sérénade, c’est une manière de chanter pour sa belle quand on est amoureux – donc on peut décoder la métaphore ainsi : “laisse-moi chanter la sérénade à ma belle, et ma belle c’est les rues de L.A.” Si vous êtes francophone vous savez que Booba a exploité cette jolie idée dans sa chanson TOMBÉ POUR ELLE, qui est un chant d’amour dédié à l’allégorie de la rue. Ici, ce terme marque encore une fois la volonté de Tupac et Dre de faire un tube grand-public, bien au-delà des frontières du seul gangsta-rap et des ghettos noirs.
From Oakland to Sactown
D’Oakland à Sactown
Oakland, ville de la baie de San Francisco, près de la célèbre université de Berkeley.
Sactown, surnom en argot de Sacramento (comme Paname au lieu de Paris), capitale administrative de la Californie.
D’Oakland à Sacramento, c’est un trajet en voiture de moins de 2h, de la côte vers l’intérieur des terres.
The Bay Area and back down
La région de la baie et retour
De la baie de San Francisco à “retour en bas”, on peut penser qu’il s’agit de la région de Los Angeles, et là c’est un trajet beaucoup plus long, de 7h.
Cali is where they put their mack down, give-me love !
Cali c’est là qu’ils posent leurs flingues, donne-moi de l’amour !
Bam ! Ce vers-là est sincère et véridique, car en effet c’est bien ce qu’ont fait Dre et Tupac dans ce tube : troquer les flingues contre le succès commercial, l’amour du grand-public. Ils l’ont eu.
Refrain
California (California) knows how to party
California, knows how to party (come on baby)
In the city (south-central) of L.A. (L.A.)
In the city of good ol’ Watts (uh, that’s right)
In the city, the city of Compton (yup, yup)
We keep it rocking! We keep it rocking (yeah, yeah now make it shake, c’mon)
Shake it shake it baby (uh)
Shake it shake it, shake it baby (yeah)
Shake it shake it mama
Shake it Cali (shake it Cali)
Shake it shake it baby (shake it Cali)
Shake it shake it, shake it shake it mama (west-coast) shake it Cali
Outro – Dr Dre / Tupac
Uh, yeah, uh, Long Beach in the house, uh yeah
Uh, ouais, uh, Long Beach dans la place, uh, ouais
On reprend le racolage des villes. Long Beach, près de L.A.
Oaktown, Oakland definitely in the house
Oaktown, Oakland sont dans la place
Frisko, Frisko
San Francisco
Frisko est le nom argotique de San Francisco.
Hey, you know LA is up in this
Hé tu sais, L.A. s’y connait
Pasadena, where you at
Pasadena, où vous êtes
Pasadena, petite ville à l’est de L.A.
Yeah, Inglewood, Inglewood always up to no good
Ouais, Inglewood, Inglewood toujours prêt pour les mauvais coups
Inglewood, petite ville au sud-ouest de L.A.
Even Hollywood trying to get a piece baby
Même Hollywood essaie d’en avoir un peu bébé
Hollywood : quartier de L.A., capitale du cinéma, du rêve californien. Il est cocasse de montrer Hollywood en train de quémander pour “en avoir un peu”, un peu d’amour californien dispensé par ce rappeur. Tupac inverse le rapport de forces, fait comme s’il était le maître qui donne un su-sucre à cet Etat-caniche, alors qu’en réalité, c’est lui qui drague Hollywood – au total Tupac Shakur aura été acteur dans 10 films.
Sacramento, Sacramento where ya at? yeah
Sacramento, Sacramento t’es où ? ouais
Throw it up y’all, throw it up, Throw it up (I can’t see ya)
Allez-y allez-y vous tous (je vous vois pas)
California Love
Amour californien
Let’s show these fools how we do this on that west side
Montrons à ces idiots comment on le fait dans l’ouest
’Cause you and I know it’s the best side
Passke toi et moi on sait que c’est le meilleur côté
Ces vers contribuent à la guerre, qu’a souhaitée Tupac, entre les rappeurs East Side et West Side, un conflit qu’il alimentera avec son tube HIT’EM UP, et qui aboutira peut-être à son assassinat en 1996.
Yeah, that’s right
Ouais, c’est ça
West coast, west coast
Côte ouest, côte ouest
Uh, California Love
Uh, Amour californien
California Love
Amour californien
Yeah
Vous avez remarqué ? Pas de bitch, pas de nigga, pas de fuck you, pas de I’mma kill ya. On a vraiment changé de style.
Synthèse
CALIFORNIA LOVE n’aura pas marqué l’histoire du rap par la qualité de ses paroles : elles sonnent plutôt ennuyeuses et pauvres (comme un espace insécable sous WordPress), ni Tupac ni Dre n’étant connus pour la qualité de leur écriture littéraire. Tupac est excellent de charisme, de confiance, de phrasé, et Dre comme toujours signe une musique stylée, innovante, impeccable. Mais aucun des deux n’est poète comme le sont Ice Cube, Coolio ou Notorious B.I.G., tellement plus riches de trouvailles, métaphores, jeux de mots, et plus forts en construction dramatique.
Le type même de la chanson, une chanson de fête, de club, de danse, accepte des paroles superficielles, légères, compréhensibles – et CALIFORNIA LOVE est toujours mieux écrite que mille autres tubes débiles.
Néanmoins, elle a un sens profond particulièrement important, en tant qu’elle témoigne de l’adhésion de ces stars des ghettos afro-américains à la pointe de leur monde, à la culture américaine imprégnée du “droit au bonheur” constitutionnel. La Constitution américaine affirme en effet “Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.” Dre et Tupac ont signé là une version de style gangsta-rap de cette revendication du droit au bonheur, dans la grande tradition d’une chanson militante comme “I GOT LIFE” de Nina Simone, la femme noire qui, dans les années 1960, chantait le fait de n’avoir rien que son corps pour jouir de la vie.
Au fond, ce qui s’affirme là sous la plume et dans la voix de ces rappeurs heureux, plus riches et plus calmes, plus séduisants et moins agressifs qu’avant, ce sont les aspirations de la communauté afro-américaine enfin pleinement dotée de ses droits civiques regagnés dans les années 1960-70, et qui rejoint les valeurs standards de la société américaine, bref, qui se normalise et accepte à l’égalité.
22 ans plus tard, l’élection du premier président noir des Etats-Unis, Barack Obama, largement soutenu par les milieux et stars du hip-hop, confirmera cette évolution vers l’intégration sociale des afro-américains.
PDF, 135 pages
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