Skrillex – First Of The Year – Analyse du scénario du clip

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Analyse de clips (ou comment écrire un scénario de clip)
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Dans 14 vidéoclips, Story&Drama analyse deux clips de Skrillex, Bangarang et First of The Year.

Comment le clip a-t-il été écrit ? Combien d’intrigues raconte-t-il ? Qui sont les personnages et quels rôles jouent-ils ?

Dans cette analyse nous utilisons les concepts de nos cours de scénario.

Skrillex – First Of The Year – Analyse du scénario du clip

Skrillex - First Of The Year (Equinox) [Official Music Video]

Analyse du scénario

00:00 Plan serré d’un homme assis, vêtu d’un imperméable, tenant un bonbon entre ses doigts. La musique n’a pas commencé. On entend un bruit semblable au souffle du vent.

La caméra fait un lent panoramique ascendant, révélant le torse puis le visage de l’homme : environ 35-40 ans, chemise à carreaux d’un style ordinaire, barbe de quelques jours, lunettes, cheveux dégarnis, il regarde la caméra d’un air vaguement hostile.

Caractérisation : cette description d’un homme au bonbon fonctionne d’office comme une métaphore par métonymie, simple indice de pédophilie qui va se confirmer par la suite.

Fausse piste : on comprend juste après que le regard-caméra ne nous est pas destiné, mais en même temps, cette ambiguïté a une fonction : nous laisser tenter, dès le début, de percer l’âme de ce pervers (on dit que les yeux sont le miroir de l’âme…)

00:17 Plan en contrechamp, qui cadre l’homme de dos et révèle devant lui la scène qu’il regarde : des enfants qui jouent.

Révélation progressive du monde de l’intrigue : le monde du pédophile dans le cadre du monde contemporain.

00:23 Un coup de batterie lance la musique en synchro avec l’image, qui cadre un sol bétonné et fait un mouvement de travelling à reculons. L’ombre d’une petite fille entre dans le champ. Elle sautille en rythme approximativement avec la musique.

Personnages : première apparition de cette petite fille qui va devenir l’Héroïne. La révélation progressive du pédophile puis de sa victime potentielle permet de dynamiser l’action et de faire facilement comprendre le thème de l’intrigue.

Médias : la synchronisation entre l’image et le son, fréquente dans les clips, sert aussi ici à bien marquer les étapes de l’intrigue et à capter l’attention aux moments-clés.

00:36 Plan de cette petite fille blonde, environ 6-8 ans, marchant seule dans une ruelle, bondissant. L’image est ralentie par rapport à la durée réelle. On distingue une seconde forme humaine à quelques dizaines de mètres d’elle.

00:40 Plan de l’homme dans la même rue. On comprend qu’il est en train de la suivre, ce que le plan d’après confirme en les montrant tous deux à l’image. Autour d’eux, des bâtiments industriels.

Structure : maintenant les données sont claires, cet événement est le déclencheur d’une intrigue où une petite fille devra lutter contre un pédophile qui veut abuser d’elle.

Notez l’habileté du montage, qui procède d’une manière dialectique : thèse (la petite fille), antithèse (le pédophile), synthèse (les deux réunis dans la même image).

00:50 La petite fille prend un escalier qui descend. L’homme la suit, tout en regardant autour de lui comme pour s’assurer qu’il n’y a pas de témoins.

Structure : on commence le développement, Acte II, sous la forme d’une poursuite.

01:07 L’homme marche dans la pénombre d’un souterrain. Ses lunettes brillent de manière menaçante. Il sort une fiole qui contient un reste de liquide vert, qu’il semble verser dans sa main sur quelque chose. Zoom sur une poche de vêtement dont dépasse le bras en plastique d’une poupée.

Thèmes : jusqu’ici, on a juxtaposé une série de clichés et d’archétypes, l’homme pervers, seul, vaguement dégoûtant et sinistre, la petite fille gaie et innocente, la poupée symbole de cette innocence…

Ces clichés génèrent automatiquement des attentes en termes de scénario-standard : un pervers attaque, une petite fille ne sait pas se défendre dans ce cas, etc.

01:20 La petite fille tient un combiné téléphonique rouge à son oreille. L’homme s’approche d’elle. Ils sont seuls dans une vaste pièce souterraine. Seuls quelques mètres les séparent.

Structure : cette mise en scène construit évidemment un sentiment de danger imminent, et l’on s’attend donc à ce que l’homme passe à l’attaque, ce qui pourrait constituer le passage à la crise de l’Acte III.

01:27 En synchro avec la musique de First Of The Year de Skrillex, la petite fille hurle soudain « Call 911 now ! » – ce qui signifie « Appelle la police maintenant ! » (Le 911 est le numéro d’urgence aux Etats-Unis.) Les mouvements de lèvres sont synchro, mais la voix ne correspond pas du tout à celle d’une petite fille, mais à celle d’un homme à la voix aiguë ou d’une femme à la voix assez grave.

Fausse piste : ce soudain et spectaculaire retournement de situation vient contredire tout ce que le début du clip nous a fait croire, à savoir que la petite fille était sans défense et sur le point d’être agressée par un homme plus fort qu’elle. La terrifiante puissance de sa voix nous prend totalement par surprise et contredit également les informations qu’on avait sur elle : sa jeunesse, sa douceur, sa candeur…

01:29 Comme en réaction au hurlement précédent, la pièce est comme soufflée par une explosion de fumée. La petite fille a maintenant l’air d’une sorcière et elle agite ses doigts à hauteur de son visage tout en fixant l’homme droit devant elle, qui se retrouve violemment projeté dans les airs et s’en va atterrir plusieurs mètres plus loin. La petite fille semble générer et contrôler cette incroyable tempête d’intérieur.

Structure : contre toute vraisemblance, on assiste bien à une crise de l’Acte III, mais pas du tout celle à laquelle on s’attendait, il y a donc eu fausse piste : la petite fille est devenue l’agresseur ultra-puissant de ce pauvre pédophile traité comme un vulgaire jouet !!!

01:34 En synchro avec un effet musical intense, le visage de l’homme est agité de frissons et de déformations, comme si la musique agissait sur lui comme une forme de torture. La petite fille continue de lancer ses sortilèges, et l’homme retombe lentement – sa chute est découpée en plusieurs étapes, avec de brèves ellipses entre ces étapes.

Médias : l’effet de synchro entre la violence de la musique et la violente réaction du visage de l’homme génère un effet spectaculaire et assez drôle, en faisant collaborer la bande-son, donc aussi nous qui l’écoutons et qui en jouissons, avec la petite fille qui semble la déclencher, comme si cette petite fille n’était autre… qu’un avatar de Skrillex lui-même !

01:42 L’homme parvient avec difficulté à se relever mais la petite fille et la musique continuent à lui faire violence : sur un coup de synthé dans les graves, la fillette semble provoquer une onde de choc en direction de sa victime, l’homme désarticulé, projeté dans les airs.

Structure : c’est la même crise qui se prolonge et se répète.

02:10 Changement de scène. L’image montre le même homme, qui tend la main comme pour toucher les poupées réunies devant lui dans une sorte de vitrine. Zoom sur les visages de ces poupées démodées, jolies mais cassées ou salies. Deux mains noires et griffues viennent enserrer la tête de l’homme qui tend toujours la main devant lui. Sa tête est brusquement tirée vers l’arrière par la créature dont on ne voit que les mains.

Structure : c’est curieux et inhabituel, mais on revient en arrière pour un deuxième développement de l’Acte II. Il semble s’agir d’un rêve.

Personnages : la petite fille -Héroïne semble s’être transformée en démon ? En tout cas, ce démon a pris sa place dans le combat à mort contre le pédophile.

02:22 L’homme est allongé par terre et se relève, comme s’il sortait d’un cauchemar. La petite fille se tient de dos à quelques mètres de lui, entourée de volutes de fumée.

Structure : brève pause qui laisse respirer le récit – et le spectateur – avant un nouveau déchaînement d’intensité.

02:33 L’homme a sorti un téléphone mobile et hurle dedans : « Call 911 now ! »

Répétition du motif de ce cri, dont à nouveau la voix ne correspond pas au personnage qui l’émet, et forte ironie dramatique du fait que le même cri de détresse a été émis successivement par l’Héroïne puis par l’Antagoniste, dont on ne se serait pas douté qu’il pourrait se trouver en position tellement vulnérable qu’il en appellerait la police…

02:38 La petite fille se tient devant lui entourée de fumée et le monstre noir aux yeux blancs, à l’allure d’extra-terrestre, apparait. A nouveau l’homme se convulsionne sous la torture crescendo de la musique, du monstre noir, et des sortilèges de la petite fille.

Structure : on rejoue une deuxième version de la crise de l’Acte III.

Personnages : la structure s’est clarifiée, le démon fonctionne donc comme un Aide de la petite fille qui reste l’Héroïne.

03:02 Un écran noir fait transition, la musique s’arrête. L’image revient et montre un doigt d’enfant qui vient rayer d’un trait noir 4 autres traits. Le dernier plan plus éloigné montre la fillette de dos devant un pan de mur sur lequel on peut voir (ou plutôt reconstituer, déduire) 15 séries de 5 bâtons, totalisant 75.

Structure : c’est le climax de l’intrigue, qui donne la réponse à la question dramatique : oui, le pédophile a été largement vaincu par la démoniaque fillette !!!

75 quoi ? On est tentés de conclure : 75 pédophiles déjà éliminés par la très originale méthode de la magie noire et de la musique de Skrillex, ce qui peut facilement passer pour un très beau résultat ! Bien mieux que la police, même ! 🙂

(Mais comme les pédophiles sont des millions, il faudra que Skrillex fasse encore pas mal de tubes et de clips pour tous les avoir. Allez Skrillex, compose, joue, et élimine-les tous !!!)

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