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N.W.A – Fuck Tha Police, paroles, traduction et analyse
NWA - Fuk Da PoliceIntro
Right about now, N.W.A. court is in full effect
En cet instant précis, la cour des N.W.A. est en séance plénière
Judge Dre presiding
Le juge Dre préside
In the case of N.W.A. vs. the Police Department
Dans cette affaire qui oppose N.W.A. et le Département de Police
Prosecuting attorneys are MC Ren, Ice Cube
Les procureurs sont MC Ren, Ice Cube
And Eazy-motherfucking-E
Et Eazy le putain d’E
Order, order, order
Du calme, du calme, du calme
Ice Cube, take the motherfucking stand
Ice Cube, à la putain de sa mère de barre
Do you swear to tell the truth, the whole truth
Jurez-vous de dire la vérité, toute la vérité
And nothing but the truth to help your black ass?
Et rien que la vérité pour sauver ton cul noir?
Ice Cube : You goddamn right!
T’as grave raison !
Well won’t you tell everybody what the fuck you gotta say?
Eh bien vas-tu dire à tout le monde ce que t’as à dire ?
Couplet 1 – Ice Cube
Fuck the police coming straight from the underground
Nique la police, ça vient tout droit de l’underground
A young nigga got it bad cause I’m brown
Un jeune négro a encore morflé parce que je suis de couleur brune
And not the other color so police think
Et pas l’autre couleur donc la police pense
They have the authority to kill a minority
Avoir l’autorité de tuer une minorité
Fuck that shit, cause I ain’t the one
Nique cette connerie, passke chuis pas celui
For a punk motherfucker with a badge and a gun
Qui pour une tache de nique-sa-mère avec un badge et un flingue
To be beating on, and thrown in jail
Se fait frapper et jeter en geôle
We can go toe to toe in the middle of a cell
On peut se retrouver face-à-face au milieu d’une cellule
Fucking with me cause I’m a teenager
Déconner avec moi parce que je suis ado
With a little bit of gold and a pager
Avec un peu d’or et un pager
Searching my car, looking for the product
Fouillant ma voiture, cherchant le produit
Thinking every nigga is selling narcotics
Pensant que chaque négro vends des narcotiques
You’d rather see, me in the pen’ (penitentiary)
Tu préférerais me voir en taule
Than me and Lorenzo rolling in a Benz-o
Qu’au volant d’une Benz avec Lorenzo
Beat a police out of shape
Battre un agent de police en mauvaise forme
And when I’m finished, bring the yellow tape
Et quand j’ai fini, amène le scotch jaune
To tape off the scene of the slaughter
Pour enregistrer la scène du massacre
Still getting swoll off bread and water
Toujours enflé au pain et à l’eau
I don’t know if they fags or what
Je sais pas s’ils sont pédés ou quoi
Search a nigga down, and grabbing his nuts
Ils fouillent un nègre et lui attrappent les couilles
And on the other hand, without a gun they can’t get none
Et d’un autre côté, sans leur flingue ils attrappent rien
But don’t let it be a black and a white one
Mais faut pas qu’il y en ait un noir et un blanc
Cause they’ll slam ya down to the street top
Parce qu’ils vont te défoncer sur le trottoir
Black police showing out for the white cop
Policier noir à la rescousse pour le flic blanc
Ice Cube will swarm
Ice Cube va canarder
On any motherfucker in a blue uniform
Sur n’importe quel fils de pute en uniforme bleu
Just cause I’m from the CPT
Juste passke je suis du CPT
Punk police are afraid of me, huh
Ces taches de flics ont peur de moi, huh
A young nigga on the warpath
Un jeune négro sur le sentier de la guerre
And when I’m finished, it’s gonna be a bloodbath
Et quand j’aurai fini, ce sera un bain de sang
Of cops, dying in L.A
De flics, crevant à L.A.
Yo Dre, I got something to say
Ouais Dre, j’ai quelque chose à dire
Refrain
Fuck Tha Police
Nique la police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Interlude 1
Pull your god damn ass over right now
Ramène ton putain de cul ici tout de suite
Aww shit, now what the fuck you pullin me over for?
Oh merde, pourquoi tu me déranges ?
Cause I feel like it!
Parce que ça me chante !
Just sit your ass on the curb and shut the fuck up
Assieds-toi juste sur le banc et ferme ta gueule
Man, fuck this shit
Mec, nique cette merde
Aight, smartass, I’m taking your black ass to jail!
Ok, gros malin, j’envoie ton cul noir en prison !
MC Ren, will you please give your testimony
MC Ren, veux-tu bien donner ton témoignage
To the jury about this fucked up incident?
Au jury à propos de cet incident de merde ?
Couplet 2 – MC Ren
Fuck the police and Ren said it with authority
Nique la police, ça Ren l’a dit avec autorité
Because the niggas on the street is a majority
Parce que les négros dans la rue sont une majorité
A gang is with whoever I’m stepping
Un gang c’est n’importe qui avec qui je vais
And the motherfucking weapon is kept in
Et la putain d’arme est gardée à l’intérieur
A stash box, for the so-called law
D’une planque, contre la soi-disant loi
Wishing Ren was a nigga that they never saw
Qui voudrait que Ren soit un négro qu’on a jamais croisé
Lights start flashing behind me
Les lumières commencent à flasher derrière moi
But they’re scared of a nigga so they mace me to blind me
Mais ils ont peur d’un négro alors ils me matraquent pour m’aveugler
But that shit don’t work, I just laugh
Mais cette connerie marche pas, je rigole juste
Because it gives them a hint not to step in my path
Parce que ça leur indique de pas croiser mon chemin
For police, I’m saying, “Fuck you punk!”
A la police je dis “Je t’emmerde pauv’tache”
Reading my rights and shit, it’s all junk
Lisant mes droits à la con, c’est que de la daube
Pulling out a silly club, so you stand
Sortant un club stupide, et tu es là
With a fake-ass badge and a gun in your hand
Avec un badge de merde et un flingue à la main
But take off the gun so you can see what’s up
Mais enlève le flingue pour voir ce qui arrive
And we’ll go at it punk, and I’ma fuck you up!
Tu vas voir pauv’tache, j’vais t’défoncer !
Make you think I’mma kick your ass
Te faire penser que je vais te botter le cul
But drop your gat, and Ren’s gonna blast
Mais dégager ton flingue, et Ren va canarder
I’m sneaky as fuck when it comes to crime
Chuis sournois comme tout quand il s’agit de crime
But I’ma smoke them now and not next time
Mais j’vais les fumer maintenant et pas la prochaine fois
Smoke any motherfucker that sweats me
Fumer tous les fils de pute qui me font suer
Or any asshole that threatens me
Ou tous les trouducs qui me menacent
I’m a sniper with a hell of a scope
Chuis un sniper avec une envergure d’enfer
Taking out a cop or two, they can’t cope with me
Descendre un flic ou deux, y peuvent pas m’en empêcher
The motherfucking villain that’s mad
Le putain de vilain qu’est taré
With potential, to get bad as fuck
Au point de tourner complètement mauvais
So I’ma turn it around
Alors j’vais reformuler
Put in my clip, yo, and this is the sound
Mettre ça dans mon clip, ouais, et voilà le son
*deux sons de tir*
Yeah, something like that
Ouais, quelque chose comme ça
But it all depends on the size of the gat
Mais tout dépend de la taille du flingue
Taking out a police would make my day
Descendre un flic ferait ma journée
But a nigga like Ren don’t give a fuck to say
ça un négro comme Ren n’a pas peur de le dire
Refrain
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Interlude 2
Yo man, what you need?
Ouais mec, qu’est-ce qu’il te faut ?
Police, open out!
Police, ouvrez !
Aww shit
Oh merde
We have a warrant for Eazy-E’s arrest
On a un mandat pour arrêter Eazy-E
Get down and put your hands up where I can see ‘em
Ventre à terre et haut-les-mains que je puisse les voir
(Move motherfucker, move now!)
Bouge fils de pute, bouge !
What the fuck did I do, man what did I do?
Qu’est-ce que j’ai fait putain, qu’est-ce que j’ai fait ?
Just shut the fuck up
Ferme-la
And get your motherfucking ass on the floor
Et pose ton putain de cul par terre
(You heard the man, shut the fuck up!)
Tu l’as entendu, ferme-la !
But I didn’t do shit
Mais j’ai rien fait
Man just shut the fuck up!
Mec ferme-la !
Eazy-E, won’t you step up to the stand
Eazy-E, voudriez-vous venir à la barre
And tell the jury how you feel about this bullshit?
Et dire au jury ce que vous pensez de toute cette connerie ?
Couplet 3 – Eazy-E
I’m tired of the motherfucking jacking
J’en ai marre du putain de vol à la tire
Sweating my gang, while I’m chilling in the shack, and
Exploitant mon gang, tranquille dans la cabane
Shining the light in my face, and for what?
A refléter la lumière dans ma face, et pourquoi ?
Maybe it’s because I kick so much butt
Ptet passke je botte pas mal de culs
I kick ass — or maybe cause I blast
Je défonce, ou ptet passke j’explose
On a stupid-ass nigga when I’m playing with the trigger
Un négro stupide quand je joue avec la gâchette
Of an Uzi or an AK
D’un uzi ou d’un AK
Cause the police always got something stupid to say
Passke la police trouve toujours une connerie à dire
They put out my picture with silence
Ils sortent ma photo en silence
Cause my identity by itself causes violence
Passke mon identité en soi cause des violences
The E with the criminal behavior
Le E au comportement criminel
Yeah, I’m a gangsta, but still I got flavor
Ouais, je suis un gangster, mais toujours savoureux
Without a gun and a badge, what do ya got?
Sans ton flingue et ton badge, toi qu’est-ce que tu as ?
A sucker in a uniform waiting to get shot
Un suceur en uniforme qui attend de se faire abattre
By me, or another nigga
Par moi, ou un autre négro
And with a gat it don’t matter if he’s smaller or bigger
Et avec un flingue peu importe qu’il soit plus grand ou plus petit
(MC Ren: Size don’t mean shit, he’s from the old school, fool)
La taille veut rien dire, il est de la vieille école, idiot
And as you all know, E’s here to rule
Et comme vous le savez tous, E est là pour gérer
Whenever I’m rolling, keep looking in the mirror
Tant que je roule, je regarde dans le rétro
And ears on cue, yo, so I can hear a
Tout ouïe, pour pouvoir entendre un
Dumb motherfucker with a gun
Crétin de fils de pute avec un flingue
And if I’m rolling off the 8, he’ll be the one
Et si je roule sur la 8è, ce sera lui
That I take out, and then get away
Que je buterai, avant de m’en aller
While I’m driving off laughing this is what I’ll say
Quand je roulerai loin d’ici en me marrant voici ce que je dirai
Refrain
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Interlude 3
The verdict
Verdict
The jury has found you guilty of being a redneck
Le jury te déclare coupable d’être un péquenot de blanc
White bread, chickenshit motherfucker
Mie de pain, poulet de merde fils de pute
But wait, that’s a lie! That’s a god damn lie!
Attendez, c’est un mensonge ! C’est un bon Dieu de mensonge !
Get him out of here!
Sortez-le d’ici !
Get him the fuck out my face!
Sortez-le, loin de ma vue !
I want justice!
Je réclame justice !
Out, right now!
Dehors, tout de suite !
Fuck you, you black motherfuckers!
Allez vous faire foutre, bande de fils de pute noirs !
Refrain
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police – Explication des paroles
Intro
Right about now, N.W.A. court is in full effect
En cet instant précis, la cour des N.W.A. est en séance plénière
Right now : now, maintenant, est ce qu’on appelle en linguistique un mot déïctique, c’est-à-dire un mot dont le sens change selon le contexte : “maintenant”, le moment précis du présent, change tout le temps, par exemple ce “now” de Dre de 1988 a maintenant 30 ans, ce n’est pas le maintenant de 2018.
Un avantage des déïctiques est qu’ils s’actualisent grâcieusement en fonction du public – et donc chaque fois qu’on écoute FUCK THA POLICE, leur maintenant d’il y a 30 ans c’est maintenant ! (ou le maintenant d’il ya 30 ans, 20 ans, 10 ans, ou ceux dans 10 ans, 20 ans, 30 ans.) Ce qui crée un effet de réalisme et un sentiment d’urgence : ça va se passer là sous nos yeux, right now. ça se passe en permanence parce que le présent reste toujours présent.
N.W.A. court : la cour des N.W.A., donc la cour de justice des négros stylés, par cette expression, les auteurs introduisent le thème de la chanson : il va s’agir pour le groupe de rap de se constituer en tribunal populaire pour juger l’institution la plus institutionnellement criminelle de tous les Etats : j’ai nommé cette vieille tortionnaire sadique et toujours de droite, la police !
is in full effect : il y a là à la fois
une parodie du jargon de la justice
et une contre-revendication de puissance, sur un mode assez macho comme d’habitude
Judge Dre presiding
Le juge Dre préside
Dans STRAIGHT OUTTA COMPTON, Dre (interprète de Still D.R.E. et de The Next Episode) tenait un rôle de MC/présentateur. En réalité, il est producteur et musicien DJ plus que chanteur.
Comme producteur il assume ce premier album des N.W.A., qui lancera sa carrière et celles d’Eazy-E, Ice Cube, MC Ren, MC Yella. Plus tard il lancera les carrières d’Eminem, 50 Cent, Kendrick Lamar.
Comme DJ, il est déjà assez occupé à lancer les samples, scratcher, gérer les boîtes à rythme et les effets, et lancer les couplets de ses chanteurs.
Il est donc assez logique qu’il se soit facilement projeté dans ce rôle de président des juges, dans une position de superviseur. D’ailleurs 30 ans plus tard on voit qu’il a fait sa carrière dans une position de superviseur du succès du rap en Amérique.
In the case of N.W.A. vs. the Police Department
Dans cette affaire qui oppose N.W.A. et le Département de Police
Ils définissent donc les personnages principaux de l’histoire :
- Héros : la cour des N.W.A.
- Antagoniste : la police
Prosecuting attorneys are MC Ren, Ice Cube
Les procureurs sont MC Ren, Ice Cube
Donc ici, les chanteurs jouent le rôle de procureurs, ils vont donc développer un argumentaire contre la police en position d’accusé.
Donc même si cette chanson-ci est narrative, puisqu’elle raconte un procès, elle met en scène des discours, comme dans STRAIGHT OUTTA COMPTON et de nombreuses autres chansons rap.
And Eazy-motherfucking-E
Et Eazy le putain d’E
On peut remarquer que Dre et Eazy-E ont eu tout un vers pour les présenter, tandis que MC Ren et Ice Cube ont dû en partager un. Cela dit quelque chose de l’histoire et des jeux de pouvoirs internes à la formation N.W.A., menée par Eazy-E qui a été chercher Dre comme producteur pour monter un groupe avec l’argent de ses deals. De là, MC Ren et Ice Cube, entre autres, ont été recrutés comme chanteurs. Eazy-E prend une position de choix aussi parce qu’il a acheté sa place.
Order, order, order
Du calme, du calme, du calme
La parodie continue, et le public trouve évidemment drôle cette ironie dramatique qu’il y a à voir des gangsters réclamer l’ordre 🙂
Ice Cube, take the motherfucking stand
Ice Cube, à la putain de sa mère de barre
Tout du long on va assister à un drôle de mélange explosif entre la vraie identité des chanteurs et leur rôle parodique. Donc, ici on a par exemple take the stand qui sonne bien juridique, truffé d’un motherfucking qui sonne… autrement.
Do you swear to tell the truth, the whole truth
Jurez-vous de dire la vérité, toute la vérité
Ici, même jeu : parodie parfaite du rôle de juge, avec formules typiques…
And nothing but the truth to help your black ass?
Et rien que la vérité pour sauver ton cul noir?
… puis une transgression verbale vient trahir le fait que c’est toujours un nigga qui parle.
Ice Cube : You goddamn right!
T’as grave raison !
Le petit jeu d’alternance entre conformité et transgression continue, puisqu’ici, Ice Cube fait précisément le contraire de ce qu’on attend d’un bon procureur en séance plénière, à savoir qu’il se mette à jurer comme un porc, sur Dieu en plus.
Well won’t you tell everybody what the fuck you gotta say?
Eh bien vas-tu dire à tout le monde ce que t’as à dire ?
Et hop, on remplace l’éloquence attendue par la truculence de la rue.
Couplet 1 – Ice Cube
Fuck the police coming straight from the underground
Nique la police, ça vient tout droit de l’underground
Fuck the police : ce sera le gimmick principal de la chanson, les premiers mots de chaque couplet, et le refrain-slogan répété 4 fois.
coming straight from the underground : c’est une allusion intertextuelle à STRAIGHT OUTTA COMPTON.
A young nigga got it bad cause I’m brown
Un jeune négro a encore morflé parce que je suis de couleur brune
Le changement de personne mêlé à l’expression de la cause n’est pas clair… Une blague cryptée à comprendre ?
En tout cas le thème est clair : il s’agit du racisme de la police.
And not the other color so police think
Et pas l’autre couleur donc la police pense
They have the authority to kill a minority
Avoir l’autorité de tuer une minorité
Donc, c’est le premier chef d’accusation formulé par le procureur Ice Cube, il affirme que la police tue les noirs par haine raciale.
Fuck that shit, cause I ain’t the one
Nique cette connerie, passke chuis pas celui
For a punk motherfucker with a badge and a gun
Qui pour une tache de nique-sa-mère avec un badge et un flingue
gun, à la rime : remarquez comme les deux vers suivants sont également faits de mots très courts et très forts, tous liés au crime : gun, jail, cell.
To be beating on, and thrown in jail
Se fait frapper et jeter en geôle
Le procureur développe son argument, et en même temps le gangster en lui se révolte, refusant le traitement que lui infligerait la police.
On peut remarquer que les auteurs ne comprenaient pas bien le système judiciaire. Ils ont annoncé que les chanteurs seraient procureurs, mais ce premier chanteur parle en tant que victime, plaignant, non pas procureur. Cette confusion qui révèle des lacunes de savoir, n’est pas très jolie à voir. Si on se souvient du concept de street knowledge, on voit qu’il s’agit aussi de non-savoir, de lacunes, d’une vision pauvre de la société et de ses institutions, dont les institutions répressives que sont la police et la justice. Cela fait partie du problème, au fond : les justiciables ne comprennent pas le système qui les juge…
We can go toe to toe in the middle of a cell
On peut se retrouver face-à-face au milieu d’une cellule
Il imagine donc se retrouver dans une cellule avec un de ses oppresseurs de flics, donc solidaires dans la situation de prisonniers, mais évidemment toujours opposés et tous deux prêts à une lutte à mort.
Fucking with me cause I’m a teenager
Déconner avec moi parce que je suis ado
Il y a là une deuxième accusation, celle de profiter injustement de la faiblesse d’autrui.
With a little bit of gold and a pager
Avec un peu d’or et un pager
Mais bon, ce teenager semble déjà se comporter en jeune actif, vu qu’il a de l’or – métaphore pour dire de l’argent ? – et un pager – sans doute pour communiquer avec d’autres dealers ou des clients par exemple.
Searching my car, looking for the product
Fouillant ma voiture, cherchant le produit
Bon, ce teenager plutôt mature a aussi une voiture, que le flic fouille à la recherche de stupéfiants bien sûr. Bizarrement, les faits que raconte le procureur, incriminent l’ex-jeune dealer en lui, car cet or et ce pager et cette voiture sont probablement vraiment les attributs d’un jeune dealer, il est donc réellement coupable, le flic a réellement raison de fouiller sa voiture. C’est comme si Ice Cube assumait de se trahir, il pense toujours comme un dealer qui se sent légitime à se débrouiller comme il peut, et donc à défendre ses biens, même mal acquis.
Thinking every nigga is selling narcotics
Pensant que chaque négro vends des narcotiques
Du coup, cette argumentation boîte un peu. Le procureur dénonce ce flic qui penserait à tort que ce nigga vend des drogues. Alors qu’en fait, le gangsta qui joue ce procureur nous parle de son propre vécu d’adolescent effectivement dealer. Ce qui donne tort au procureur et à la cour de N.W.A., et qui donne raison à la police… bref, y’a comme un souci de logique.
You’d rather see, me in the pen’ (penitentiary)
Tu préférerais me voir en taule
In the pen’, au pénitencier, s’entend aussi in the pen, dans le crayon / stylo, donc par métonymie, dans l’écriture.
Than me and Lorenzo rolling in a Benz-o
Qu’au volant d’une Benz avec Lorenzo
Ahlala, ces marques de voiture dans les paroles et les clips de rap, ça va durer. Ces publics dominés ont bouffé de la pub en provenance de l’industrie automobile, en masse, comme des poulets de batterie, sans révolte, très docilement, endormis aux vapeurs de crack. Ils ont pris ces marques allemandes – pourtant héritières des pires racistes de l’histoire – comme objet de leur désir et symbole de leur réussite. On peut se demander si le fait de désirer la même chose que les dominants à la place des dominants est, pour les dominés, la voie la plus judicieuse. Les rappeurs ne devraient-ils pas plutôt défendre leur propre économie, autonome, hors de la domination capitaliste blanche ? En réalité, ces rappeurs de N.W.A. sont siglés à mort, capitalistes dans l’âme, et c’est aussi en raison de cette profonde compatibilité avec les valeurs libérales de leur époque (ils viennent de vivre 8 ans sous Donald Reagan, ancien acteur d’Hollywood…), qu’ils ont eu du succès. Contestataires, ces rappeurs tous devenus milliardaires ? My ass, rich nigga. Ils ont juste voulu croquer comme les autres leur part de rêve matérialiste américain, et sont tout aussi responsables, entre autres, de l’écocide en cours, en tant que promoteurs de grosses voitures polluantes.
Beat a police out of shape
Battre un agent de police en mauvaise forme
Beat : c’est fun-ky que le mot beat, battre, tombe sur le beat, le premier tempo fort du vers.
And when I’m finished, bring the yellow tape
Et quand j’ai fini, amène le scotch jaune
When I’m finished : on le verra dans 14 vers, ces mots se répéteront.
The yellow tape : le scotch jaune, c’est une métonymie, c’est le scotch qu’utilise la police pour délimiter une scène de crime. Ce genre de raccourcis, ça fait vrai (réalisme) et ça fait couleur locale.
To tape off the scene of the slaughter
Pour enregistrer la scène du massacre
Donc, il va falloir pas mal de scotch, on a ptet d’abord imaginé un rouleau, et quand vient le mot slaughter, massacre, au lieu de crime, scène de massacre au lieu de scène de crime, on comprend qu’il va en falloir tout un carton, comme au Bataclan.
Euh, ouais, le Bataclan. Le Bataclan a fait ce qu’Ice Cube a dit, il fait ce que font les Vrais Hommes Virils partout en Amérique comme en France quand ils ne sont pas d’accord, quand ils sont en colère, en rage : exploser tout le monde, faire un massacre. Il faut savoir que ces crises de nerfs masculines sont une pathologie qui se soigne, une erreur qui se répare, et en tant que culture, c’est une culture qu’on peut foutre aux chiottes, il suffit de tirer la chasse sur cette merde et voilà, au revoir, ton massacre, saloperie d’homme violent.
Still getting swoll off bread and water
Toujours enflé au pain et à l’eau
L’enchaînement des idées devient obscur. Il vient de menacer de faire un massacre et se dit toujours enflé, gonflé, au pain et à l’eau – nourriture typique d’un prisonnier, comme s’il était déjà condamné pour le massacre qu’il vient de commettre, mais cette bouffe de prisonnier peut aussi bien désigner sa vraie bouffe de pauvre au quotidien, donc cela signifierait qu’il se considère déjà prisonnier, et que donc, il n’est plus à un massacre près, ça ne changera rien à sa bouffe ordinaire. (De la bouffe d’esclave noir traditionnel.)
I don’t know if they fags or what
Je sais pas s’ils sont pédés ou quoi
Alors, troisième accusation majeure, les flics seraient pédés.
Le procureur est donc homophobe…
Search a nigga down, and grabbing his nuts
Ils fouillent un nègre et lui attrappent les couilles
Alors voilà on a là le vieux problème des conflits entre mâles, les mâles qui se croient dominants du monde blanc deviennent flics, et dénient la virilité aux mâles noirs qui se veulent dominants en les attrappant par les couilles, et du coup, ceux-ci se défendent en traitant les dominants blancs de pédés. Voilà, c’est de la logique sociale de cour d’école.
And on the other hand, without a gun they can’t get none
Et d’un autre côté, sans leur flingue ils attrappent rien
Y’a un jeu de mots dur à traduire ici, they can’t get none, ils en attrappent aucun, aucun quoi ? Aucun nuts, aucune noisette / couilles, mais nuts en anglais familier ça veut dire “rien, rien du tout”. Donc ils attrappent rien, des noisettes, et aussi bien, sans flingue ils n’ont pas de couilles.
But don’t let it be a black and a white one
Mais faut pas qu’il y en ait un noir et un blanc
Cause they’ll slam ya down to the street top
Parce qu’ils vont te défoncer sur le trottoir
Black police showing out for the white cop
Policier noir à la rescousse pour le flic blanc
Quatrième accusation qui porte exclusivement sur les flics noirs : le procureur les accuse d’être des traîtres alliés des flics blancs racistes.
Ice Cube will swarm
Ice Cube va canarder
Swarm : le terme est difficile à rendre. Swarm veut dire essaim d’abeilles, si c’est un nom, et essaimer, si c’est un verbe. Mais on comprend l’image vu le contexte : il va sortir son flingue automatique et canarder, les balles vont faire comme un essaim d’abeilles. Je viens de faire tout un paragraphe à la con pour vous expliquer ce que le procureur, éloquent, vous a dit en 4 mots 🙂
On any motherfucker in a blue uniform
Sur n’importe quel fils de pute en uniforme bleu
Ceci est un nouveau renseignement que nous donnent les experts de N.W.A. sur la sociologie de ces étranges créatures qu’on appelle les motherfuckers. On voit ici que certains vont jusqu’à porter des uniformes de Schtroumphs, ce qui n’est, ma foi, quand on prétend représenter quelque chose d’aussi monstrueux que l’Etat, ne ressemble guère qu’à une blague de mauvais goût 😛
Just cause I’m from the CPT
Juste passke je suis du CPT
cause, abbréviation de because, passke, cette auto-justification sonne évidemment aberrante : il affirme qu’il va canarder les flics… juste parce qu’il est du CPT. On a tendance à réagir à cette affirmation en se disant : “mais non, ça justifie pas”. Puis, ptet, on comprend ce qu’il veut dire. Si tous les jours les flics te font chier ? Si tous les jours tu te fais surveiller, fouiller, intimider, insulter, pousser ? Si c’est comme ça aussi pour tous les gens que tu connais ? Ben là ça devient naturel, ça passe tout seul comme un essaim d’abeilles. Passke, c’est comme ça, c’est tout, tu fermes ta gueule.
Punk police are afraid of me, huh
Ces taches de flics ont peur de moi, huh
Punk police : alors, il ne veut pas dire que ces taches de flics écoutent du punk, vu que sinon, ils ne boiraient pas leur bière dans leur bureau mais dans la geôle, ça les changerait de quelques mètres. Donc punk ici, c’est un déchet social, une tache.
Et donc, ces taches ont peur de moi, là aussi c’est paradoxal : il le dit de manière accusatrice, pour le reprocher, et pourtant par ses menaces il montre qu’on a bien raison d’avoir peur de lui. Du coup son argumentation est un peu difficile à admettre, et tant pis, les paroles acceptent cette imperfection, fuck it !
A young nigga on the warpath
Un jeune négro sur le sentier de la guerre
C’était un teenager, c’est maintenant un young nigga. Ice Cube avait 18-19 ans en 1988…
On the warpath : là, comme ici et là, ailleurs, on a une allusion aux histoires de l’Afrique et du Far West à la fois. C’est le sentier de la guerre des peuplades africaines en lutte avant et après l’arrivée des esclavagistes européens, et c’est le sentier de la guerre des indiens contre les colons blancs en Amérique. Ce young nigga est l’héritier de ces deux parties de l’histoire des oppressions qui ont fondé l’Amérique.
And when I’m finished, it’s gonna be a bloodbath
Et quand j’aurai fini, ce sera un bain de sang
And when I’m finished : Deuxième terme de l’anaphore, qui fait un effet temporel de flash-back, en lien avec l’obsession du présent dans ces paroles, où les choses se déroulent sous nos yeux.
Of cops, dying in L.A
De flics, crevant à L.A.
a bloodbath of cops : un bain de sang de flics, ça, c’était plutôt nouveau à l’époque. Le mouvement punk anglais puis international avait été loin dans certaines horreurs, et dans la rébellion. Mais ptet pas aussi loin, et d’une manière aussi crédible – car un looser anglais qui insulte ses gendarmes ridicules, c’est juste cocasse, alors qu’un vrai jeune gangster immature, impulsif, violent, avec une arme automatique en main, sachant que la guerre des gangs pouvait tuer dans les 700 gangsters par an à L.A. dans les folles années 80, c’est flippant.
Yo Dre, I got something to say
Ouais Dre, j’ai quelque chose à dire
Hop, on rebranche élégamment avec la présentation qu’avait faite Dre.
Refrain
Fuck Tha Police
Nique la police
Donc, c’est le titre du morceau, et c’est, répété 4 fois, l’intégralité du refrain. Ce choix est à la fois assez rare – y’a guère que dans des trucs très cons comme le disco ou la dance qu’on ait des refrains aussi pauvres – et assez riche, parce qu’il s’agit d’utiliser une insulte comme slogan politique anti-système, et de s’y tenir courageusement, oser dire merde aux autorités dans une société pétrie de valeurs autoritaires, une société de soi-disant justice où la police tue et viole tous les jours.
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Interlude 1
Ici on passe à une séquence musicalement différente, une transition en style DJ par Dr Dre qui fait du bon boulot, alternant des samples rythmiques contrastés, et par-dessus, les voix qui envoient des phrases en rythme, laissant une impression générale de collage, comme une anthologie des phrases fortes d’une séquence plus longue qu’on aurait raccourcie.
Pull your god damn ass over right now
Ramène ton putain de cul ici tout de suite
Aww shit, now what the fuck you pullin me over for?
Oh merde, pourquoi tu me déranges ?
Cause I feel like it!
Parce que ça me chante !
Just sit your ass on the curb and shut the fuck up
Assieds-toi juste sur le banc et ferme ta gueule
Man, fuck this shit
Mec, nique cette merde
Aight, smartass, I’m taking your black ass to jail!
Ok, gros malin, j’envoie ton cul noir en prison !
C’était donc une petite scène de conflit entre les autorités judiciaires et des accusés au style gangsta.
Le président Dre reprend les choses en main, comme si la séance reprenait :
MC Ren, will you please give your testimony
MC Ren, veux-tu bien donner ton témoignage
To the jury about this fucked up incident?
Au jury à propos de cet incident de merde ?
On voit que Dre tient relativement bien son rôle de président qui doit bien parler, il se lâche juste un peu à la fin mais bon, personne lui dira rien, c’est le président.
Couplet 2 – MC Ren
Fuck the police and Ren said it with authority
Nique la police, ça Ren l’a dit avec autorité
Deuxième anaphore du slogan, Nique la police.
Ren l’a dit avec autorité, donc Ren montre qu’il incarne bien son rôle de procureur – qui certes, ne dirait jamais ça s’il était un vrai procureur 🙂
Because the niggas on the street is a majority
Parce que les négros dans la rue sont une majorité
A majority : ceci répond à l’argument du procureur Ice Cube qui dénonçait l’oppression d’une minorité raciale, mais donc cette minorité au niveau de la Californie ou des Etats-Unis, est une majorité dans ses rues à lui.
A gang is with whoever I’m stepping
Un gang c’est n’importe qui avec qui je vais
Comme Ice Cube, Ren joue sur les deux tableaux, il joue deux rôles simultanément, il n’est qu’à moitié déguisé.
On retrouve l’esprit pédagogique de MC Ren, il est encore en train de nous donner une définition !!! Ce mec a dû être traumatisé par son prof d’anglais en primaire.
Whoever I’m stepping : to step, c’est faire un pas, donc l’expression signifie “n’importe qui, avec qui je fais un pas”, bref les gens avec qui je marche, bref, mes amis tout simplement, ma bande, mon gang.
And the motherfucking weapon is kept in
Et la putain d’arme est gardée à l’intérieur
Motherfucking weapon : Donc au pays de Ren, les armes aussi ont eu des expériences incestueuses avec leurs génitrices. Drôle d’endroit, j’y mettrais pas les pieds.
La phrase, on va le voir juste après, est une fausse piste partielle : le vers nous dit que l’arme est gardée à l’intérieur, et à ce stade on s’imagine, à l’intérieur d’une veste, d’un pantalon, elle est à portée mais elle n’est pas dégaînée, donc tout va encore pas trop mal…
A stash box, for the so-called law
D’une planque, contre la soi-disant loi
Par cette continuation, is kept in / a stash box, on annule en partie l’effet du kept in, et pas pulled out, pas sortie, mais c’est kept in a stash box, gardée par ruse dans une planque, gardée secrètement à portée de main pour tirer par surprise, et ce n’est donc plus sécuritaire du tout, c’est menaçant et flippant.
Et ça menace qui ? The so-called law, la soi-disant loi – même pas la police, les policiers, mais la loi elle-même – c’est donc une allégorie, la loi devient un ennemi qu’on peut buter. Chouette ! (Mais ce n’est qu’un rêve, si on pouvait la tuer on l’aurait fumée depuis longtemps.)
Wishing Ren was a nigga that they never saw
Qui voudrait que Ren soit un négro qu’on a jamais croisé
A la base, la première fois qu’on entend FUCK DA POLICE, Ren est probablement un nigga they never saw.
Et donc, notre allégorie de la loi, qui continue, souhaite que Ren revienne à son anonymat initial – alors même que Ren est justement en train de lui exhiber son nom de scène et de gangster. Il veut donc dire implicitement que la loi est co-responsable de son anonymat de nigga jamais vu, comme si elle lui avait interdit la visibilité, la reconnaissance.
Lights start flashing behind me
Les lumières commencent à flasher derrière moi
Ah, les jolies lumières 🙂 Malheureusement pour le gangsta invisible, ce sont les lumières de la répression policière qui s’allument, leurs phares, leurs girophares et leurs lampes-torches dans ta gueule… et pas du tout des lumières qui viendraient régler le problème de l’invisibilité des noirs.
Ces lumières sont un peu aussi ses spotlights de rappeur sur scène, il organise sa prestation sur scène depuis ses paroles.
But they’re scared of a nigga so they mace me to blind me
Mais ils ont peur d’un négro alors ils me matraquent pour m’aveugler
Accusation : ils sont négrophobes.
They mace me to blind me : la police ne règle pas le problème de l’invisibilité des noirs, elle l’empire en les aveuglant.
But that shit don’t work, I just laugh
Mais cette connerie marche pas, je rigole juste
A leur peur devenue hostilité, il réagit par une autre émotion, paradoxale : on attend la douleur, mais il exprime le rire. Par indifférence, ou devant l’absurdité du ressenti des flics.
Because it gives them a hint not to step in my path
Parce que ça leur indique de pas croiser mon chemin
Il s’est désigné en tant que nigga, et le nigga d’avant nous a dit qu’il était on the war path. Ptet que c’est le même sentier de guerre, ou un sentier parallèle. On se dit qu’il ne fait pas bon y vivre.
It gives them a hint : champ lexical de l’enquête policière, l’auteur fait exprès de s’approprier le langage volé à son ennemi.
For police, I’m saying, “Fuck you punk!”
A la police je dis “Je t’emmerde pauv’tache”
C’est dit de manière particulièrement emphatique. Il ne fait pas que le dire, il nous dit qu’il le dit, et il nous dit qui le dit et à qui il le dit.
Reading my rights and shit, it’s all junk
Lisant mes droits à la con, c’est que de la daube
punk, junk : c’est le champ lexical de la saleté, appliqué à la police et au droit. Pensée d’un justiciable.
Pulling out a silly club, so you stand
Sortant un club stupide, et tu es là
Apparemment, le gangster peint le flic en golfeur ridicule ? Je n’ai pas trouvé d’explication plausible de ce vers.
With a fake-ass badge and a gun in your hand
Avec un badge de merde et un flingue à la main
fake : faux, inauthentique, on est dans le champ lexical opposé aux valeurs défendues ici et là dans les paroles de N.W.A., puis de ses membres en solo, puis du rap en général : être AUTHENTIQUE. Le gangsta est vrai, le flic est faux.
a gun in your hand : quand cette rime arrive, elle fait un peu chier, car elle montre le flic en bonne position, dominant la situation, menaçant, en état de nuire sérieusement au gangster rappeur.
But take off the gun so you can see what’s up
Mais enlève le flingue pour voir ce qui arrive
… c’est pourquoi ce vers-ci tombe à pic. Il vient enlever le flingue, donc laisser le flic haut-les-mains, en situation dominée – et ce qui reste up, c’est plus le flingue mais “what”, quelque chose d’indéfini et qui va arriver – bref, une menace.
And we’ll go at it punk, and I’ma fuck you up!
Tu vas voir pauv’tache, j’vais t’défoncer !
là l’important c’est le jeu entre les verbes de ces vers : take off the gun, see what’s up, go at it, fuck you up. C’est un combo comme dans un film d’action bien orchestré, c’est du nigga de CPT qui nous joue Hollywood en quelques mots.
Make you think I’mma kick your ass
Te faire penser que je vais te botter le cul
On reprend la situation, comme si on exemplifiait de quelle manière l’action “fuck you up”, te défoncer, va se dérouler.
But drop your gat, and Ren’s gonna blast
Mais dégager ton flingue, et Ren va canarder
But : encore ces liens logiques qui structurent le discours de Ren…
Drop your gat : on recommence la même action en fait, comme si le flingue de flic, qu’on venait de take off, d’enlever, était revenu, et qu’il fallait encore désarmer ce FDP.
But, and : donc à nouveau c’est un mini-film d’action, et l’enchaînement des deux vers signifie que Ren a fait une feinte d’agression physique avant de tirer, c’est donc un tueur rusé, intelligent, feinteur.
I’m sneaky as fuck when it comes to crime
Chuis sournois comme tout quand il s’agit de crime
Et il en est conscient, d’être sneaky en matière de crime.
But I’ma smoke them now and not next time
Mais j’vais les fumer maintenant et pas la prochaine fois
But…
C’est fun cet enchâinement. Le vers précédent conclut le vers d’avant, mais introduit celui-ci.
Now and not next time : c’est drôle de voir soudain le rappeur en mode “allez je m’encourage, je ne procrastine pas aujourd’hui, je les bute maintenant et pas la prochaine fois, comme ça ce sera fait”. C’est plaisant, parce que c’est nonchalant. Une nonchalance meurtrière qu’on retrouvera fréquemment, dans la coolitude triste de Coolio de GANGSTA’S PARADISE, dans la zénitude d’Ice Cube dans IT WAS A GOOD DAY, dans le ton narquois de Snoop Dogg, etc.
Smoke any motherfucker that sweats me
Fumer tous les fils de pute qui me font suer
Jolie figure de style dans le contraste entre les deux verbes, smoke et sweat, venus de fumée et sueur, fumer et faire suer. Il règle le problème de l’eau par le feu, c’est de la logique élémentaire.
Or any asshole that threatens me
Ou tous les trouducs qui me menacent
Bon, il nous a encore menacés pas mal de fois, mais en fait, il est contre.
I’m a sniper with a hell of a scope
Chuis un sniper avec une envergure d’enfer
Encore une figure de style : comme sniper, il réduit en taille par rapport à gangster, le sniper est solitaire. Mais, il compense aussitôt cette perte d’énergie par un élargissement de son champ de tir, donc tout va bien, on a flippé pour rien.
Taking out a cop or two, they can’t cope with me
Descendre un flic ou deux, y peuvent pas m’en empêcher
Un flic ou deux : la nonchalance, encore, à les considérer en gros comme trois fois rien même quand ils viennent à douze pour que dalle.
The motherfucking villain that’s mad
Le putain de vilain qu’est taré
Villain : Ah, revoilà l’homme qui est dégoûté de ne pas vivre dans le château. Jaloux, vilain, va !
mad : encore le thème de la folie des niggas, leur condition sociale les rend dingues.
With potential, to get bad as fuck
Au point de tourner complètement mauvais
Le vers précédent se complète, apparaissant comme ayant été une fausse piste partielle. Donc, le gangsta est mad, fou, mais mad with potential, ce qui veut dire autre chose : il est fou de potentiel, il est plein de potentiel, c’est positif ! Voilà, juste par un enjambement, le fou est guéri.
Et à nouveau les paroles progressent par une complétion surprenante du terme d’avant par un nouveau terme qui change le sens : mad with potential… to get bad as fuck. Donc on passe
- de mad, fou, négatif,
- à mad with potential, fou de potentiel, qui sonne positif,
- à mad with potential to get bad as fuck, fou avec le potentiel de devenir méchant comme tout, qui sonne terriblement négatif.
En bref, il vient de nous faire vivre des montagnes russes émotionnelles, juste en additionnant des mots. C’est pas mal.
So I’ma turn it around
Alors j’vais reformuler
L’expression est ambiguë en fait, turn it around c’est reformuler en retournant les choses, mais là, le it, ça désigne le flingue du gangsta.
Put in my clip, yo, and this is the sound
Mettre ça dans mon clip, ouais, et voilà le son
*deux sons de tir*
Le son du tir utilisé comme un mot, c’est malin, c’est fort, et ce sera repris dans le rap, notamment dans PAPER CLIPS de M.I.A., où le refrain est carrément une série de bruits de tirs, qui remplacent les mots comme dans ce vers.
Yeah, something like that
Ouais, quelque chose comme ça
Ce commentaire du tireur sur le bruit du tir est une preuve de plus de sa façon d’être cool et nonchalante, dandy et nihiliste. Un tir pour lui, c’est un son dont il apprécie la qualité esthétique, grosso modo.
But it all depends on the size of the gat
Mais tout dépend de la taille du flingue
Toujours le genre de question qui préoccupent les gros machos.
Taking out a police would make my day
Descendre un flic ferait ma journée
would : cette marque du conditionnel affaiblit un peu ce finale. Plus tôt, il tirait franchement, dégommait tout Schtroumph. Et maintenant, il pourrait seulement s’en faire un, à l’occasion.
On note en tout cas qu’il considère que buter un flic ferait sa journée, et donc cette pensée semble suffisamment forte, choquante, pour avoir été retenue pour marquer les esprits en fin de couplet.
But a nigga like Ren don’t give a fuck to say
ça un négro comme Ren n’a pas peur de le dire
On réédite les branchements comme dans le premier couplet, pour enchaîner harmonieusement vers le refrain.
Refrain
Fuck Tha Police
Bon, j’avais oublié de préciser, mais le public, en 1988 comme aujourd’hui, sait qu’il y a de méchantes lois qui disent qu’il est méchant d’insulter la flicaille. C’est pas permis de dénoncer nos oppresseurs, on comprend bien pourquoi, du point de vue des oppresseurs, je veux dire des législateurs, des classes sociales dominantes pour le compte qui ils légifèrent, et de leurs chiens de garde.
Fuck Tha Police
Donc, je répète, c’est interdit.
Fuck Tha Police
Shuut, t’as dit quoi ?
Fuck Tha Police
Arrête, ils vont finir par t’entendre à la radio pendant leurs tournées !!!
Interlude 2
Yo man, what you need?
Ouais mec, qu’est-ce qu’il te faut ?
Police, open out!
Police, ouvrez !
Aww shit
Oh merde
We have a warrant for Eazy-E’s arrest
On a un mandat pour arrêter Eazy-E
Get down and put your hands up where I can see ‘em
Ventre à terre et haut-les-mains que je puisse les voir
(Move motherfucker, move now!)
Bouge fils de pute, bouge !
What the fuck did I do, man what did I do?
Qu’est-ce que j’ai fait putain, qu’est-ce que j’ai fait ?
Just shut the fuck up
Ferme-la
And get your motherfucking ass on the floor
Et pose ton putain de cul par terre
(You heard the man, shut the fuck up!)
Tu l’as entendu, ferme-la !
But I didn’t do shit
Mais j’ai rien fait
Man just shut the fuck up!
Mec ferme-la !
Donc là, la nature du son change pour donner l’impression d’une scène enregistrée, comme une pièce à conviction qu’on exhiberait pendant l’audience, et on nous montre une scène d’arrestation brutale d’Eazy-E – arrestation qui sert de caractérisation de son personnage, comme étant un dangereux criminel, avant même qu’il prenne la parole. C’est un peu comme afficher un portrait “Wanted”, au lieu de présenter sa carte d’identité.
Eazy-E, won’t you step up to the stand
Eazy-E, voudriez-vous venir à la barre
And tell the jury how you feel about this bullshit?
Et dire au jury ce que vous pensez de toute cette connerie ?
Même rôle pour Dre, même correction d’ensemble, avec une petite transgression verbale à la fin pour dire qu’on a le droit.
Couplet 3 – Eazy-E
I’m tired of the motherfucking jacking
J’en ai marre du putain de vol à la tire
Petite surprise : exceptionnellement, ce chanteur ne commence pas sur le gimmick “Fuck da police”.
I’m tired : en fait, c’est surprenant aussi, un rappeur qui commence son couplet de manière super énergique en disant je suis fatigué : contraste interne entre ce que dit le média (“je ne suis pas fatigué, je braille fort”) et ce que dit le sens (“je suis fatigué, j’en ai marre”).
Jacking : il se définit donc d’abord comme un voleur. Serait-ce la cause de son arrestation ?
Donc, synthèse : lui quand il est fatigué, ça l’énerve donc il rappe.
Sweating my gang, while I’m chilling in the shack, and
Exploitant mon gang, tranquille dans la cabane
Ce vers change le sens du précédent. Il n’est pas voleur, mais chef des voleurs. Il les envoie voler, tout en se reposant. C’est donc… de cela qu’il est fatigué. De ne rien faire. En fait, il n’est pas fatigué…
Shining the light in my face, and for what?
A refléter la lumière dans ma face, et pourquoi ?
Ce vers change encore le sens des précédents. Plus les éléments s’ajoutent, plus c’est cohérent avec la scène d’arrestation qui précède, et donc les vers se mettent à jouer double-jeu, à avoir deux sens : d’un côté, c’est le chef des voleurs qui effectivement nous décrit son mode de vie, et de l’autre, c’est ce même chef des voleurs qui se fait arrêter chez lui, qui fait transpirer son gang, alors qu’il se reposait, et qui se prend les lumières des flics dans la face.
Maybe it’s because I kick so much butt
Ptet passke je botte pas mal de culs
C’est encore une répétition d’une explication causale complètement et volontairement bouffonne et frauduleuse, où en disant “because”, le gangster veut dire qu’il n’a pas besoin d’avoir une raison, il a forcément raison.
I kick ass — or maybe cause I blast
Je défonce, ou ptet passke j’explose
Le saut de kick ass à blast rappelle le couplet précédent où MC Ren feintait, faisait semblant de botter le cul du flic, pour mieux le shooter par surprise.
On a stupid-ass nigga when I’m playing with the trigger
Un négro stupide quand je joue avec la gâchette
a stupid-ass nigga, donc littéralement, un négro stupide-cul. On se demande comment une telle civilisation peut passer pour la meilleure du monde… ah, non, on sait, c’est à cause de la guerre et du capitalisme.
Of an Uzi or an AK
D’un Uzi ou d’un AK
Voilà, deux marques de flingues bien dignes de faire rêver la jeunesse. Ce sont deux armes de guerre, très meurtrières, plus fortes que les revolver des flics.
Cause the police always got something stupid to say
Passke la police trouve toujours une connerie à dire
Donc voilà, le gangsta soucieux d’intelligence continue à faire passer des tests de QI aux policiers, et le test renvoie pour toute réponse “Désolé, aucune forme d’intelligence n’a été détectée dans ce flic”. Dommage, encore un salaire de fonctionnaire pour rien.
Une fois de plus, le because est factice, il n’explique rien du tout. Eazy-E est un philosophe anti-Kant. “Nique la Raison pure ! Vive la Raison pratique !”
They put out my picture with silence
Ils sortent ma photo en silence
”My picture with silence”, arrivant juste après “they always got something stupid to say”, contraste : eux ont le droit de parler, et pourtant ils veulent me faire taire ? Donc, Eazy rétablit l’ordre du discours. Il formule une accusation de censure, qui deviendra réalité, puisque suite à la diffusion de cette jolie petite chanson solidaire, le F.B.I. enverra à N.W.A., pour la première et dernière fois de l’histoire des Etats-Unis des menaces de poursuites, à travers une lettre que publiera le groupe, ce à quoi l’opinion publique, puis la classe politique, réagiront fortement en faisant fermer sa gueule au F.B.I., en défense de la liberté d’expression, qui pour une fois, a carrément gagné son éternel combat contre la flicaille, les fachos, les religieux de tous bords, les moralistes, les intégristes, les terroristes, et tout le reste de la clique des ennemis des libertés.
Cause my identity by itself causes violence
Passke mon identité en soi cause des violences
Cause, cause… cause toujours ! Because, et basta.
Mon identité par elle-meme cause la violence. Wah, wah, wah. Avant, Eazy donnait l’impression d’y aller facile, enchaînant les menaces ordinaires, jouant à faire peur. Là, il lâche un vrai vers de poète-philosophe.
The E with the criminal behavior
Le E au comportement criminel
Il y a sans doute, dans la tête d’Eric-le-facile, plein d’autres E, sans comportement criminel ?
Yeah, I’m a gangsta, but still I got flavor
Ouais, je suis un gangster, mais toujours savoureux
Il est donc à la fois un nigga wit attitude et un gangsta with flavor. C’est déjà mieux que rien.
Without a gun and a badge, what do ya got?
Sans ton flingue et ton badge, toi qu’est-ce que tu as ?
Gun et badge, les deux mêmes symboles qu’ont déjà piétiné les deux rappeurs précédents, et qui vont finir en mauvais état, à ce rythme.
A sucker in a uniform waiting to get shot
Un suceur en uniforme qui attend de se faire abattre
Ce vers est fun, il est cohérent, il peut bien passer à lui tout seul, il passe tout aussi bien en duo avec le précédent qui l’introduit, et il passe aussi bien dans le flow, bref, c’est un bon vers à toutes les échelles.
C’est un portrait de flic par un peintre hostile, donc forcément il a taillé les traits à la serpe, on ne peut pas lui en vouloir, on ne peut qu’admirer le tranchant et la précision et la violence des coups portés. La serpe verbale a coupé net la virilité macho de l’ennemi, ce flic qui possédait un gun super phallique se retrouve suceur comme une bitch, pénétré, passif ; l’arme a aussi sectionné les nerfs du pauvre sujet, qui ne peut plus qu’attendre, toujours passivement, de se faire abattre.
By me, or another nigga
Par moi, ou un autre négro
Oh, de l’humilité ? Moi, ou un autre, aucune importance ? ça surprend un peu de la part d’un mec aussi frimeur qu’Eazy-E. Chaque rappeur se dit unique et se vante de se vanter. Mais parfois, on avoue qu’on sait bien qu’on n’est qu’une personne parmi des millions.
And with a gat it don’t matter if he’s smaller or bigger
Et avec un flingue peu importe qu’il soit plus grand ou plus petit
Ce vers fait écho au propos similaire, tout aussi bêbête, de MC Ren dans le couplet précédent : “it all depends on the size of the gat”.
(MC Ren: Size don’t mean shit, he’s from the old school, fool)
La taille veut rien dire, il est de la vieille école, idiot
Donc, apparemment, ils trouvaient malin de s’intéresser à ce genre de conneries, mais moi, j’en ai rien à foutre, donc nique ces vers.
And as you all know, E’s here to rule
Et comme vous le savez tous, E est là pour gérer
En fait, il sait qu’on ne le savait pas forcément, mais il sait qu’il est bon de faire comme si on était censé savoir, sinon, il devrait reconnaître qu’il n’est personne à nos yeux, or manifestement il cherche à gagner notre estime.
E’s here to rule : E est là pour régner. En fait, on peut lire ce message comme l’antithèse rageuse de la réalité : citoyen d’une ville ghetto dont personne ne connait le nom, noir dans un pays blanc raciste, E est là pour être dominé en fermant sa gueule. Mais E se révolte :’( E est méchant, E n’est pas un bon nigga obéissant, E veut tuer ses maîtres, E conteste l’ordre établi, E veut refaire la loi, E veut imposer la sienne.
Whenever I’m rolling, keep looking in the mirror
Tant que je roule, je regarde dans le rétro
Il roule des joints, ou il roule en voiture, il est rolling, il rock’n’rolle, il roule des mécaniques. Ce rolling est polysémique, riche de sens possibles. Eazy fait exprès de le laisser planer, décontextualisé, pour qu’on l’actualise comme on veut.
Ecoutez comme c’est joli en anglais, ces échos de sons rapides, rolling keep looking in the mi, tous ces i/in, avec cette diction staccato, ça participe à la beauté de la chanson évidemment.
And ears on cue, yo, so I can hear a
Tout ouïe, pour pouvoir entendre un
Même joli jeu de sonorités entre ears et hear, cue et yo. ça coule super bien.
Dumb motherfucker with a gun
Crétin de fils de pute avec un flingue
Dumb… encore l’obsession de prouver qu’on est plus malins…
And if I’m rolling off the 8, he’ll be the one
Et si je roule sur la 8è, ce sera lui
On a dit que rolling sonnait polysémique, et le revoilà, complété de off, qui vient apporter des sens nouveaux. Rolling off the 8, peut vouloir dire rouler par terre du fait d’avoir sniffé un 8 de coke, soit 1/8è d’once. Donc le vers signifie “si je suis drogué à mort, je serai impulsif et donc…”
Il y a là aussi une sorte de jeu de mots bien sûr, off the 8, be the one.
That I take out, and then get away
Que je buterai, avant de m’en aller
Joli parallèle de construction de la phrase, qui oppose les mouvements de take out et get away.
While I’m driving off laughing this is what I’ll say
Quand je roulerai loin d’ici en me marrant voici ce que je dirai
Ce rire, après un crime, reprend la nonchalance criminelle exprimée au début de son couplet, et contribue vraiment à définir le style très spécial d’Eazy-E, le tueur le plus cool, qui te bute en te chambrant et riant de ses propres vannes mortelles.
This is what I’ll say, introduit donc le refrain et annonce à nouveau qu’il s’agit d’un discours, d’un slogan, et on peut remarquer que tout cela est un jeu entre des noirs qui se passent la parole, Dre a appelé Eazy à la barre, Eazy lance le refrain, la parole circule bien entre les parties de la chanson, illustrant à quel point le rap est un style oral, lié à la parole en petit groupe, le mot rap lui-même signifiant bavardage, tchat, à l’origine !
Refrain
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Interlude 3
The verdict
Verdict
Donc, ceci est tout à fait cohérent avec les attentes du public une fois les bases posées en début de chanson, on a lancé un procès, on attend un verdict. Seulement, il y a comme un problème.
The jury has found you guilty of being a redneck
Le jury te déclare coupable d’être un péquenot de blanc
Voilà, c’est tout ce que le jury a trouvé à reprocher, en conclusion, à la police ?
J’envoie ici un message politique à N.W.A. : chère cour pénale, tu t’es carrément trompé dans ton jugement, tu as osé négligé d’accuser cette police de collaboration à une sorte d’ethnocide permanent, au maintien génération après génération d’inégalités raciales flagrantes, à la mise à mort sans raison de centaines de citoyens noirs qui avaient le malheur d’avoir l’air criminels aux yeux des policiers blancs qui tiraient dessus par peur ou par haine. La cour a osé oublier tout ça ? Y’avait pas un politicien Black Panther dans le coin pour instruire ces petits cons sur le rôle que jouent les polices américaines, fédérales et municipales, dans l’oppression des descendants d’esclaves ? 30 ans plus tard, le mouvement Black Lives Matter en est toujours à rappeler à l’opinion que la police tue des afro-américains pour rien.
White bread, chickenshit motherfucker
Mie de pain, poulet de merde fils de pute
Voilà, quelques insultes superficielles. Y’aurait eu du lourd à balancer, mais ça n’aurait ptet pas pu passer si facilement à la radio si le message avait été bien sérieux, bien politique.
Finalement, l’histoire a montré que tout ce petit monde ne s’est pas si mal intégré que ça à la logique capitaliste américaine, tous sont devenus stars, millionnaires, et ont eu relativement peu de problèmes avec la police et la justice.
But wait, that’s a lie! That’s a god damn lie!
Attendez, c’est un mensonge ! C’est un bon Dieu de mensonge !
Get him out of here!
Sortez-le d’ici !
Get him the fuck out my face!
Sortez-le, loin de ma vue !
I want justice!
Je réclame justice !
Out, right now!
Dehors, tout de suite !
Fuck you, you black motherfuckers!
Allez vous faire foutre, bande de fils de pute noirs !
Révélation finale d’une évidence, le racisme dans la police blanche.
Refrain
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Fuck Tha Police
Répète un peu ?
Synthèse
Quand elle a entendu ça la première fois, la police de L.A. a dû faire exactement comme Monica quand elle découvre que son gâteau au chocolat a foiré :
“OH / MY / GOD”.
C’est effectivement une chanson qui stupéfie comme du bon shit, qui choque comme un bon attentat, qui frappe comme un bon boxeur.
Si on la résume, il s’agit du procès de la police par les Niggaz Wit Attitude, qui sont alors inconnus du public.
Sauvage et expéditive, cette parodie de procès bâclé présente les chanteurs-gangsters comme des procureurs qui tour à tour se chargent de défoncer l’accusée verbalement, de l’inculper pour racisme, sadisme, manque de virilité et bêtise, de la couvrir de honte, de la terroriser, de la menacer de mort plusieurs fois, et finalement de la déclarer coupable, CQFD.
On reconnait là un procédé bien connu au théâtre et dans les fêtes populaires comme le carnaval : l’inversion de l’ordre du monde et la satire des pouvoirs. Au moyen-âge, on organisait par exemple des processions où un âne tenait le rôle d’évêque qui guidait dans la ville le peuple des fous, ou encore de faux procès où on jugeait des animaux pour se moquer de la justice humaine. Sous diverses révolutions, on couvrait de ridicule les Rois et les Nobles et leurs Gendarmes et leurs Magistrats. De la même manière, ici, ce sont les criminels qui jugent les forces de l’ordre pour, paradoxalement, s’en dire victimes, tout en se livrant sous nos yeux à de multiples agressions verbales, flagrantes et punies par le droit normal (injures, menaces de mort).
Ce procès malheureusement, les jeunes artistes criminels (qui ont alors entre 19 et 24 ans) ne l’ont pas tenu sérieusement.
En tant qu’histoire, leur texte pèche par sa mise en scène sommaire et peu dramatique (la tension dramatique ne varie guère), alors que le thème (la police) et le procédé (la faire juger par des voyous) s’annonçaient très intéressants et pouvaient les emmener par exemple vers ces idées créatives :
- Ice Cube, MC Ren et Eazy-E auraient pu consacrer leurs couplets à juger une liste d’affaires criminelles impliquant des flics, flics-ripoux, flics racistes, flics-violeurs ou flics-tueurs. N’avaient-ils pas quelques anecdotes salées à raconter, depuis leur ghetto ?
- Ou bien, ils auraient pu organiser un crescendo dans l’intensité du procès, jugeant couplet après couplet des crimes policiers de plus en plus graves.
- Ou encore, dans la même logique de crescendo, ils auraient pu se montrer en train de commettre des attentats anti-flics de plus en plus meurtriers, ou remonter du flic de base à l’inspecteur puis au commissaire, montrant l’immoralité à tous les étages.
- Un des interludes, marrant, montre l’arrestation d’Eazy-E. ça aurait pu être une bonne idée de faire arrêter chaque procureur à la fin de son couplet, en reliant les thèmes de chaque arrestation à ceux dénoncés dans le couplet.
Bref, il y aurait eu mille fictions anti-policières à raconter, au lieu d’un charabia de gangsters égotistes relativement braillards et vains.
En tant que discours contre les institutions répressives, justice et police, la chanson a le mérite de la franchise et de la spontanéïté, mais rate un peu son objet car toutes ses critiques, tous ses chefs d’accusation, volent au ras des pâquerettes et sonnent banales. La grande originalité ayant été d’oser publier des injures à la police sous forme musicale. Mais sur le fond, ni la justice ni la police n’ont été vraiment dénoncées dans leur fonction de répression sociale ni dans leurs abus ni dans leurs parfois sinistres motivations idéologiques. Les auteurs, manifestement peu cultivés à l’époque, se sont vite trouvés à court d’arguments et ont fait du remplissage avec des rodomontades, en un collage improvisé d’idées superficielles, petites blagues, mini-scènes, vantardises et vulgarités. En même temps, si leur texte avait sonné plus conscient, plus idéologique, alors peut-être qu’il aurait limité son public à celles et ceux qui y adhéraient idéologiquement.
Bref, la chanson est marquante par son audace juvénile et son énergie sauvage, stylistiquement intéressante, mais sur les plans de la narration et de l’argumentation, on en verra de plus fortes !
PDF, 135 pages
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