Cours de scénario 2 – Le média

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Scénario 2 – Avancé (cours de scénario en ligne)
PDF, 42 pages

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Le choix du média pour une histoire détermine en partie son impact, pour plusieurs raisons :

1/ L’économie

Les divers médias n’ont pas les mêmes effectifs maximum en termes de public. Ainsi, les spectateurs télé sont beaucoup plus nombreux (plusieurs dizaines de millions en France) que les lecteurs de poésie (quelques dizaines de milliers). La même histoire, avec les mêmes jeux de personnages, les mêmes intrigues, n’aura donc pas le même potentiel artistique et commercial suivant le média dans lequel on l’injecte.

De même les niveaux de concurrence entre auteurs à l’intérieur d’un média varient beaucoup. Il y a 10 ans, un auteur d’eBook était un leader. Le marché était petit, mais la concurrence était faible.

Les réseaux de distribution/diffusion des différents médias sont eux aussi très différents. Peu de gens vont au théâtre, qui n’est plus un art populaire de premier plan comme il a pu l’être. Le réseau de salles de cinéma a diminué, surtout parce qu’avec l’informatisation généralisée et l’augmentation des tailles et des types d’écran, la consommation de films s’est privatisée. Faire des films en formats d’images géants ne sert plus à rien puisque la plupart des spectateurs les verront sur des écrans de petite taille.

Les formes de sélection et de recommandation des œuvres varient également selon les médias.

Les budgets de production/développement d’une même histoire suivant les médias varient d’une manière gigantesque. Une même histoire en format eBook, ça me coûtera quelques semaines d’efforts, une inscription sur des diffuseurs, etc, bref, surtout de l’effort et du temps. Si je voulais en faire 6 scénarios de cinéma, le projet aurait besoin de 30 millions d’euros (6 fois 5 millions). Au théâtre, il faudrait plusieurs dizaines ou centaines de milliers d’euros. En BD, il faudrait payer une équipe de dessinateurs pendant au moins un an. En radio, il faudrait payer des voix et vendre des droits de diffusion.

Imaginez une histoire comme Gerry, de Gus Van Sant, qui se passe en majorité dans un désert. Cela peut sembler économique : le désert est un lieu public, on n’a pas à louer les lieux. Il a suffi d’amener quelques acteurs et une équipe réduite de tournage. Ça a quand même dû coûter des dizaines de milliers de dollars. Un écrivain peut faire marcher des personnages dans un désert, simplement en écrivant qu’ils marchent dans le désert. Par contre, le choix du format-livre, peu coûteux, rapportera presque toujours moins que le choix du film…

2/ La sémiologie / l’esthétique

Il est possible de raconter n’importe quelle histoire dans n’importe quel média. Mais il faut tenir compte du fait que les divers médias ont des propriétés sémiologiques différentes, et conviennent à des styles de storytelling différents.

Une œuvre sur le silence sera plus saisissante dans un média audiovisuel (télé, cinéma, théâtre, danse…), par privation transgressive d’une dimension essentielle de ce média, alors que sous forme « print » (livre, page web, BD…), le silence étant l’état normal de la lettre écrite, on ne peut pas priver le public de son. Dans Babel, l’intrigue de la sourde-muette japonaise raconte une histoire d’amour banale entre adolescents – sans le son.

Certains thèmes se prêtent naturellement plus à un média qu’à un autre.

Si vous voulez montrer des licornes, des dinosaures volants, des oiseaux bleus qui parlent, la littérature et la BD seront plus accessibles techniquement et bien moins chères que la 3D photoréaliste et les autres formes d’image de synthèse.

Si vous voulez aborder des problèmes abstraits, par exemple l’anatomie du système circulatoire sanguin chez l’homme, le texte assorti d’images schématiques semble plus approprié, car quel serait l’intérêt d’investir des sommes colossales dans de l’audiovisuel, alors que le système circulatoire est relativement infilmable de l’intérieur ?

En littérature, Châteaubriand a pu facilement satiriser deux agents politiques de Napoléon, – qu’il détestait et voulait insulter – en écrivant « L’Hypocrisie entra dans la pièce, au bras du Crime », désignant ainsi par des allégories ses deux ennemis. En média image, une telle figure est impossible.

Même au sein d’une famille de médias, mettons : l’écrit, on ne concevra pas l’histoire de la même manière suivant qu’il s’agit d’un livre, d’une pièce à lire, d’une page web, ou d’un écran de mobile. Pas moyen de faire lire Crime et châtiment sur un téléphone mobile, tandis que des citations ou des aphorismes se prêtent mieux à une diffusion par mobile que par livre (les coûts fixes de l’édition étant trop importants pour les formats courts…)

Et même pour un format donné et une œuvre terminée – mettons : un vidéoclip musical – on aura encore le choix de plusieurs canaux de diffusion. Le même vidéoclip peut devenir un hit underground si on le lance sur les plateformes vidéo en ligne en prévenant son propre réseau alternatif, alors qu’il sera refusé sur MTV ou dans les festivals (cas du clip de Justice, Stress : écoeurant et brutal, interdit de diffusion, il est devenu un hit sur Youtube.) Les subcultures et les contre-cultures ont intérêt à se diffuser sur les réseaux alternatifs, sans quoi ça n’a pas l’air vraiment alternatif. (Musiques witch / dark–folk / acousmatique / technos bizarroïdes…)

On peut faire de nombreux effets en mélangeant ou reliant les médias ou en imitant dans un média les propriétés d’un autre :

  • La conversation téléphonique en dialogues écrits
  • Le téléphone au cinéma (champ/contre-champ, ou écran divisé en deux, ou un personnage qu’on voit et entend, et l’autre qu’on ne voit ni n’entend, etc.)
  • La télé à la télé ou au cinéma. The Network, Requiem for a dream, Tootsie
  • Le théâtre dans le théâtre. Chez Plaute, Shakespeare, Pirandello, Les Robins des Bois, etc.
  • Le cinéma montré au cinéma ou à la télé. Truffaut, Fellini, Joey dans Friends.
  • Le théâtre au cinéma. A Woman Under Influence
  • Le cartoon au cinéma ou en pub. Roger Rabbitt ou Graffitti, une pub sur le SIDA
  • La littérature ou le cinéma citant les journaux-papiers. James Ellroy…
  • Les romans par lettres, des classiques à Less than Zero de B.E.Ellis.
  • Internet recyclé. Mangas cybernétiques, films sur de jeunes pirates géniaux…
  • Le téléphone mobile : histoires d’amour par SMS…

N’importe quel média est utilisable et citable dans n’importe quel autre média.

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