Définition du comique verbal
En équilibre sur la langue, le comique verbal ou comique de mot joue avec les sons et les sens pour provoquer ce gargouillis de fond de piscine qu’on appelle le rire.
Passant du coq à l’âne à l’à peu près en passant par le lapsus, le calembour, le jeu de mots, le non-sens, l’absurdité, le charabia, le paradoxe et autres embrouilles logiques, ce procédé comique fout le bordel dans la mécanique huilée de la communication, crée du chaos et remue du vide, transformant l’erreur en rigolade et le bon sens en grosse blague.
Un cas célèbre : le sketch de Raymond Devos Parler pour ne rien dire, critique du langage par le langage :
Mesdames et messieurs … Je vous signale tout de suite que je vais parler pour ne rien dire.
Oh ! je sais ! Vous pensez : « S’il n’a rien à dire … il ferait mieux de se taire ! »
Evidemment ! Mais c’est trop facile ! … c’est trop facile !
Vous voudriez que je fasse comme tout ceux qui n’ont rien à dire et qui le gardent pour eux ?
Plus intello que le comique gestuel et le comique de situation, c’est au théâtre, sur une scène et à la radio que le comique verbal se sent le plus comme un poisson dans l’eau.
Chez Pierre Desproges, le comique verbal s’épanouissait dans des dissertations littéraires à rallonge, des envolées lyriques délirantes, des méditations philosophiques dignes d’un singe savant :
J’ai toujours eu un respect profond, presque craintif, pour la langue, la grammaire, la syntaxe, le vocabulaire et toutes ces conneries.
– Papa, on s’a fait violer.
– On s’est fait violer. »
Chez l’humoriste radio François Pérusse, le comique verbal devient intensément vocal (nombreux effets spéciaux sur les voix pour les filtrer, les déformer, les pitcher dans les graves et les aigus, les faire chanter ou grincer) et plus généralement sonore grâce à une myriade de trucs qui font bzz, grr, tchak et poum, et même badabibadaboum grat-grat.
Toujours partant pour se foutre du monde, le comique verbal s’en prend volontiers aux accents étrangers, souvent jugés porteurs d’un irrésistible potentiel humoristique : ainsi Dieudonné dans son sketch Les racistes anonymes s’en donne à cœur joie en enchaînant les accents camerounais, provençal, suisse, réglant leur compte à toutes les intolérances du monde à travers leur propre voix ; ou les Robins des bois, alignant tout une saynète de jeu télévisé en pseudo-langue hollandaise, charabia inventé qui finit en jeu de massacre. Plutôt qu’à la nationalité ou à l’identité régionale, c’est à l’identité social que s’en prend Coluche dans son sketch C’est l’histoire d’un mec, dans lequel il interprète un locuteur totalement incompétent, incapable de raconter une blague toute bête, sur un ton et avec un accent franchement populaire (il s’agit en même temps d’une forme de comique de caractère, parodiant une personnalité de grand timide maladif, bredouillant, bégayant et hésitant sans cesse : oui euh… nan mais euh… enfin oui mais euh… voilà quoi).
Avec l’humoriste Stéphane De Groodt, l’humour verbal devient carrément magique, l’auteur réussissant à faire sonner de multiples sens en série dans une cathédrale d’à peu près qu’il survole avec une adresse funambulaire qui a laissé la célèbre philosophe de télé-réalité Nabilla totalement médusée :
Je profitai alors du trajet pour découvrir l’œuvre de Léon Tolstoï, auteur russe majeur, surtout depuis qu’il a dix-huit ans. Mais comme je n’aime que des livres « guère-épais », ben j’ai finalement arrêté au bout de deux pages…
Exemples d’humoristes du comique verbal
Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont
Raymond Devos
Pierre Desproges
Smaïn
François Pérusse
De Groot
Guillermo Ruiz
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