Eminem – Stan – La vengeance suicidaire d’un fan

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Songwriting, analyses de chansons en anglais
PDF, à paraître

Présentation

Stan est le troisième titre de l’album The Marshall Mathers LP qu’Eminem a sorti en mai 2000, par Aftermath Entertainment et Interscope Records.

Ce duo avec la chanteuse britannique Dido a été salué comme l’une des plus grandes chansons de rap – Rolling Stone l’a classée 296e sur les 500 plus grandes chansons de tous les temps.

Stan raconte le dialogue entre Stan, un fan obsessionnel d’Eminem qui écrit plusieurs lettres à son idole, s’énerve de plus en plus jusqu’à ce qu’il se suicide, tuant par la même occasion sa femme enceinte. Eminem lui répond finalement, après sa mort, après avoir entendu parler de son histoire tragique dans les journaux.

C’est l’une des analyses de chansons proposées dans le PDF Songwriting, analyses de chansons en anglais.

Vidéoclip

Eminem - Stan (Long Version) ft. Dido

Paroles, traduction et commentaire

Reprenons ces paroles depuis le début et étudions-les, mais avant de commencer, précisons quelque chose d’important : ces paroles sont composites, elles ont deux auteurs, Eminem et Dido. En fait Eminem a intégré la mélodie et le début des paroles d’une chanson déjà existante de Dido – Thank You –  à ses propres paroles, et Stan est le fruit de ce collage un peu étrange.

 

Refrain – Dido

Le bruit de la pluie.

Le tonnerre d’un orage.

Structure de l’intrigue : exposition. Les premières informations en provenance du morceau portent sur l’ambiance : sous la pluie, sous l’orage. Or la pluie se trouve souvent associée à la tristesse, et l’orage à la colère. De sorte que les bruitages, ici, sonnent aussi comme une mise en condition émotionnelle.

Par-dessus ces sons, commence le refrain de « Stan », avec la voix de Dido en léger crescendo qui chante, mélodieuse mais atténuée par un fort filtrage des fréquences :

My tea’s gone cold I’m wondering why… I got out of bed at all
Mon thé est froid je me demande bien pourquoi… je suis sortie du lit

On a donc une femme – d’après la voix – qui se lève, apparemment de mauvaise humeur. Est-ce un personnage ?

The morning rain clouds up my window… and I can’t see at all
La pluie matinale ombrage ma fenêtre, et je n’y vois plus rien

Ce vers nous laisse faire la connexion entre la chanteuse Dido et les bruitages d’orage : son ciel à elle est couvert, nous entendons ce qu’elle voit.

And even if I could it’ll all be gray, but your picture on my wall
Et même si je pouvais tout serais gris, mais ta photo sur mon mur

Le propos sonne pessimiste : « même si j’y voyais tout serait gris quand même ». Cette tristesse exprimée résonne en harmonie avec le bruitage de la pluie.

Your picture : un second personnage potentiel ?

It reminds me, that it’s not so bad, it’s not so bad.
Elle me rappelle que ça va pas si mal, ça va pas si mal.

Le propos sonne également triste, car la volonté de se prouver que « ça va pas si mal » semble répondre à un réel sentiment de malaise.

Ce refrain s’achève, un coup de tonnerre retentit et le refrain est répété à plein volume.

Cette ouverture triste, montrant une femme qui pense à un homme qu’elle a en photo sur son mur, pourrait continuer sur une histoire d’amour. Mais ce ne sera pas le cas et déjà, il y manquerait un élément déclencheur : ici, la scène, statique, n’a manifestement pas été écrite pour raconter une intrigue, mais pour donner le ton, poser le décor.

En passant, ce refrain s’avère plutôt mal écrit, comparé à ce qu’écrit Eminem. Les rimes de Dido sont pauvres, ses idées banales, son intensité dramatique reste nulle. Heureusement qu’Eminem a rajouté son propre texte, faisait de Stan un monument mille fois plus apprécié du public que l’originale Thank You.

 

Couplet 1 – Stan

Dear Slim,
Cher Slim,

Eminem fan Stan

Ici tout commence, et deux mots nous obligent à un long commentaire.

D’abord, les deux premiers mots offrent une indication de genre : Cher quelqu’un, c’est l’ouverture typique de toute lettre qui se respecte. Beaucoup moins typique par contre : le fait que cette « lettre » soit rédigée en vers avec de multiples rimes finales et internes, et non pas dans une prose ordinaire, confirme qu’il s’agit bien d’une chanson, versifiée selon l’usage.

Après la scène de la femme seule qui prend son thé froid, on a donc maintenant la lettre qu’écrit un homme, et qu’Eminem vocalise.

Comme dans Kim, où Eminem interprète à la fois son propre rôle de mari violent et celui de sa femme battue, comme dans Guilty Conscience, où Eminem joue la moitié maléfique d’une âme, comme dans The Slim Shady, où Eminem se transforme en Super Héros dérisoire, le fait que l’artiste incarne lui-même le personnage de Stan montre une belle capacité de transformation et d’empathie.

Or, à qui ce personnage joué par Eminem adresse-t-il sa lettre ?

A Slim.

Et qui est Slim ?

Slim, bien sûr, c’est Slim Shady, le… personnage de l’album d’Eminem du même nom, The Slim Shady LP, et de la chanson éponyme.

Au total on a donc… Eminem-auteur qui fait jouer à Eminem-chanteur un rôle de personnage qui écrit une lettre à Eminem.

Vertigineuse mise en abyme de soi-même à travers autrui et la fiction !

Ces deux mots finalement forment l’exposition, le début de l’Acte I car avec cette première lettre, c’est bien toute une histoire qui commence, sous la forme d’une première intrigue.

I wrote you but you still ain’t calling
je t’ai écrit mais t’as toujours pas appelé

Structure de l’intrigue : en se plaignant ainsi, le personnage de fan annonce d’office qu’il a un problème – l’absence de réponse de Slim – et un but – l’obtention d’une réponse.

Ce fan est donc Héros, Slim par contre prend un double rôle, à la fois d’Aide du Héros potentiel, puisqu’il pourrait répondre à la demande du fan, et d’Antagoniste, puisque Slim est précisément l’homme qui refuse de répondre.

De plus, le « I wrote you » constitue le premier point d’une chronologie de l’histoire antérieure – celle qui s’est déroulée avant celle qu’on est en train de suivre – qui va beaucoup s’étoffer par la suite.

I left my cell, my pager, and my home phone at the bottom
J’ai laissé mon portable, mon bippeur et mon fixe en bas de ma lettre

Ainsi, le personnage offre à Slim les moyens de répondre. L’accumulation montre la détermination du personnage, en offrant déjà un coup d’œil dans l’abysse de son avidité d’amour.

I sent two letters back in autumn, you must not-a got ’em
J’ai envoyé deux lettres cet automne, t’as pas dû les recevoir

Cette information aussi renforce la motivation du personnage, en donnant la profondeur de champ d’une histoire antérieure qui se poursuit dans l’intrigue présente : le personnage n’est pas juste victime d’une lubie passagère, il écrit à Slim depuis des mois déjà !

There probably was a problem at the post office or something
Y’a dû y avoir un problème à la poste ou un truc
Sometimes I scribble addresses too sloppy when I jot ’em
Parfois je gribouille les adresses sans faire gaffe

Cette supposition du personnage, l’auditeur saura la décoder psychologiquement. On constate que le personnage, pour s’épargner la souffrance de la cause la plus probable – à savoir que Slim a bien autre chose à faire que de lire les lettres d’un fan ordinaire et d’y répondre – , préfère croire qu’il y a eu un problème technique, que la star n’a juste pas reçu le message, bref, il entretient l’espoir qu’un dialogue reste possible.

Plus tard, Stan se montrera plus lucide et plus aigre, quand il aura compris, mais pas accepté, le fait qu’Eminem ne s’intéresse pas à lui.

But anyways; fuck it, what’s been up? Man how’s your daughter?
Mais bon t’te façon on s’en fout, alors quoi de neuf ? Mec comment va ta fille ?

Maintenant, le personnage change radicalement d’attitude et se montre familier, amical, intime, comme si son destinataire et lui étaient amis de longue date.

Structure de l’intrigue : développement, Acte II. Le Héros cherche à atteindre son but par un nouveau moyen : en séduisant son Antagoniste.

My girlfriend’s pregnant, too, I’m bout to be a father
Ma copine est enceinte aussi, j’suis sur le point d’être père

Thème : première amorce du thème de la grossesse, qui resservira plus tard.

Dido enceinte

If I have a daughter, guess what I’ma call her? I’ma name her Bonnie
Si j’ai une fille, devine comment je vais l’appeler? Je vais l’appeler Bonnie
I read about your Uncle Ronnie too, I’m sorry
J’ai appris pour ton oncle Ronnie au fait, je suis désolé
I had a friend kill himself over some bitch who didn’t want him
J’ai un ami qui s’est tué pour une connasse qui voulait pas de lui

Le Héros met en œuvre sa stratégie : prendre des nouvelles des proches, se montrer intime, se tenir au courant, au plus près – faire partie du monde de Slim.

Genre : curieuse forme d’autobiographie. Car l’histoire de l’Oncle Ronnie est vraie, et particulièrement tragique. Eminem et lui avaient passé plusieurs années d’enfance et d’adolescence ensemble, mais Ronnie se suicida en 1991. Un autre oncle d’Eminem se tua en 2004. Il y a une estimable pudeur dans la manière dont Eminem met à distance ses expériences réelles les plus douloureuses, indirectement, à travers la voix fictive et maladroite d’un de ses fans, en une sorte d’euphémisme narratif.

I know you probably hear this everyday, but I’m your biggest fan
Je sais que tu entends sûrement ça tous les jours, mais je suis ton plus grand fan
I even got the underground shit that you did with Skam
J’ai même le truc underground que t’as fait avec Skam
I got a room full of your posters and your pictures man
J’ai une pièce pleine de tes posters et de tes photos mecs
I like the shit you did with Rawkus, too, that shit was phat
J’aime bien le truc que t’as fait avec Rawkus aussi, ce truc était énorme

Nouveau tournant tactique : pour mieux recevoir attention et amour, le fan en envoie. Compliment sur compliment, où le Moi et le Toi se fondent, l’adoration de l’un épousant la forme d’adorabilité qu’il prête à l’autre.

Anyways, I hope you get this man, hit me back,
Enfin passons, j’espère que tu liras ceci, réponds-moi
Just to chat, truly yours, your biggest fan
juste pour discuter, bien à toi, ton plus grand fan

« Hit me back ». C’est bien le but du personnage. La question dramatique reste ouverte : le fan passionné réussira-t-il à capter l’attention de Slim ?

This is Stan
C’est Stan

Le Héros révèle enfin son nom. A partir de là il n’est plus un anonyme parmi des milliers d’anonymes, mais un fan en particulier.

Stan écrit une lettre à Eminem

Refrain – Dido

My tea’s gone cold I’m wondering why I got out of bed at all
The morning rain clouds up my window and I can’t see at all
And even if I could it’ll all be gray, but your picture on my wall
It reminds me, that it’s not so bad, it’s not so bad.

Le refrain revient, et pour l’instant, on ne peut toujours pas le connecter à l’intrigue de Stan du Couplet 1. Ce qui laisse à ce refrain un côté énigmatique : son contenu sonne très simple, pourtant l’auditeur a du mal à lui donner un sens, puisqu’on ne peut toujours pas comprendre qui est cette femme, ni qui est le « you » sur ses photos. Suspense donc !

Par ailleurs, on note que le commentaire du personnage comme quoi « it’s not so bad, it’s not so bad », qui sonnait de manière triste dans le premier refrain, change maintenant de couleur et se teinte d’ironie dramatique : car certes, la lettre énervée de Stan et sa mention de deux suicides familiaux touchant le chanteur en personne font pencher la balance plus en faveur d’un « it’s very bad » lucide et réaliste que d’un « it’s not so bad » réconfortant mais objectivement intenable.

 

Couplet 2 – Stan

Dear Slim, you still ain’t called or wrote, I hope you have a chance
Cher Slim, t’as toujours pas appelé ou écrit, j’espère que t’auras l’occase

Structure de l’histoire : Stan attendait une réponse et on l’attendait avec lui. S’il l’avait reçue, il aurait atteint son but et l’intrigue se serait terminée positivement pour le Héros. Mais aucune réponse n’est venue et l’intrigue commencée dans la première lettre se poursuit donc sur les mêmes bases.

I ain’t mad – I just think it’s FUCKED UP you don’t answer fans
Je suis pas fâché, je trouve juste que ça CRAINT A MORT que tu répondes pas à tes fans

En situation d’échec, le Héros devrait réagir. Mais tout ce qu’il peut faire c’est de demander la même chose encore et encore. Ses seules armes : la rhétorique, des mots dérisoires, des opinions personnelles dont personne ne tient compte.

If you didn’t wanna talk to me outside your concert you didn’t have to, but you could’a’ signed an autograph for Matthew
Si tu voulais pas me parler dehors à ton concert t’étais pas obligé, mais t’aurais pu signer un autographe pour Matthew

Structure de l’histoire : cette mention d’une rencontre s’inscrit dans la chronologie de l’histoire antérieure, c’est-à-dire l’ensemble des faits passés qui déterminent encore une intrigue présente.

That’s my little brother man, he’s only six years old
C’est mon petit frère mec, il a que six ans

Le Héros tente encore une autre stratégie, qui a de l’avenir : le chantage affectif. Il feint de transférer son but à un émouvant enfant de 6 ans.

We waited in the blistering cold for you, four hours and you just said, « No »
On a attendu après toi dans le froid glacial, quatre heures et t’as juste dit « Non »

Encore un nouveau point dans la chronologie de l’histoire antérieure, très étoffée, et qui donne de la profondeur de champ temporelle à l’intrigue présente.

Désespéré, le Héros ne peut que dénoncer l’injustice, qu’il formule en un saisissant déséquilibre : deux personnes qui passent quatre heures dans le froid d’un côté, de l’autre une star méprisante dont la réponse tient en deux lettres.

That’s pretty shitty man – you’re like his fucking idol
C’est plutôt merdique mec, t’es sa putain d’idole
He wants to be just like you man, he likes you more than I do
Il veut être tout comme toi, il t’aime encore plus que moi
I ain’t that mad though, I just don’t like being lied to
Je suis pas fâché en fait, j’aime juste pas qu’on me mente

Suite de la stratégie du chantage, continuation de la psychologie du déni (« je suis pas ton fan, juste l’avocat d’un enfant qui t’adore… »)

Au passage, le personnage n’hésite pas à se contredire involontairement : il affirme avec force qu’il n’aime pas qu’on lui mente, mais les deux vers précédents le montrent lui en flagrant délit de mensonge, faisant semblant de ne harceler Eminem qu’en tant qu’émissaire de son petit frère.

Remember when we met in Denver – you said if I’d write you you would write back
Tu te souviens quand on s’est rencontrés à Denver, t’as dit que si je t’écrivais tu répondrais

Chronologie de l’histoire antérieure : encore un nouveau point.

See I’m just like you in a way, I never knew my father neither
Tu vois je suis tout comme toi d’un côté, j’ai jamais connu mon père non plus
He used to always cheat on my mom and beat her
Il trompait tout le temps ma mère et la frappait
I can relate to what you’re saying in your songs
Je me retrouve bien dans ce que tu dis dans tes chansons

A nouveau le personnage se contredit, son fanatisme reprend le dessus sur sa déception et sa colère, et il tente à nouveau d’établir le contact, de fusionner avec son idole. Toujours dans la même logique argumentative : convaincre Eminem de lui répondre, comme à un frère.

So when I have a shitty day, I drift away and put ’em on
Alors quand j’ai une journée de merde, je dérive et je me les passe
‘Cause I don’t really got shit else so that shit helps when I’m depressed
Passke j’ai pas grand-chose d’autre alors ce truc aide quand je suis déprimé
I even got a tattoo with your name across the chest
J’ai même un tatouage à ton nom sur le torse

Cette information laisse enfin prendre toute la mesure de la folie du personnage, progressivement révélée jusqu’ici.

Sometimes I even cut myself to see how much it bleeds
Des fois même je me coupe pour voir combien ça saigne
It’s like adrenaline, the pain is such a sudden rush for me
C’est comme avec l’adrénaline, la douleur est un tel rush pour moi

Même remarque, avec un effet de crescendo dans l’intensité dramatique, car cette mention des scarifications renforce encore le côté névrotique et scabreux du personnage.

See everything you say is real, and I respect you ’cause you tell it
Tu vois tout ce que tu dis est réel, et je te respecte parce que tu l’exprimes

La phrase « See everything you say is real » (« tu vois, tout ce que tu dis est réel, est vrai ») a un intéressant petit côté méta-textuel : on peut prendre ça pour un commentaire de l’auteur, qui sait pourtant bien qu’il écrit une fiction, mais qui la fait tellement réaliste qu’il fait revendiquer cette esthétique réaliste par le personnage de fiction lui-même, plus vrai que vrai…

My girlfriend’s jealous ’cause I talk about you 24/7
Ma copine est jalouse parce que je parle de toi 24/7
But she don’t know you like I know you Slim, no one does
Mais elle te connait pas autant que je te connais Slim, ni personne d’autre qu’elle
She don’t know what it was like for people like us growing up
Elle sait pas ce que c’était de grandir pour les gens comme nous
You gotta call me man, I’ll be the biggest fan you’ll ever lose
Il faut que tu m’appelles mec, je serai le plus grand fan que tu aies jamais perdu

Premier indice d’une possible intention suicidaire du personnage.

Ce chantage au suicide dramatise l’enjeu de cette seconde lettre : en rédigeant la première, Stan n’avait pas défini de coût si Eminem ne répondait pas ou de bénéfice s’il répondait. Maintenant, l’auditeur et le personnage d’Eminem savent (du moins ce dernier est censé savoir, dans le cas où il lirait  les lettres de Stan) que si Eminem garde le silence, il aura le désamour et peut-être même la mort de Stan sur la conscience.

Structure de l’intrigue : par conséquent, après ces diverses péripéties, on sent que la tension monte, que l’Acte II touche à sa fin et qu’une crise de l’Acte III doit apporter sous peu la résolution des conflits en cours.

Sincerely yours, Stan
Bien à toi, Stan

De simple formule de politesse, ces mots prennent évidemment une connotation particulière dans la bouche de Stan : il réclame une fois de plus de fusionner avec son idole.

— P.S. We should be together, too
— P.S. On devrait être ensemble, aussi

Enfin avec le « We should be together, too », qui sonne ambigu, inapproprié, difficile à interpréter, on franchit encore un cran dans le délire névrotique du personnage, qui tourne au désir gay. Lettre d’amour et de menace à la fois, l’ambivalence atteint des sommets.

 

Refrain – Dido

My tea’s gone cold I’m wondering why I got out of bed at all
The morning rain clouds up my window and I can’t see at all
And even if I could it’ll all be gray, but your picture on my wall
It reminds me, that it’s not so bad, it’s not so bad.

Certes, ce refrain revient une troisième fois, tel quel. Mais son sens a changé : maintenant, à cause de la mention par Stan de sa femme « jalouse parce que je parle de toi 24h sur 24, 7 jours sur 7 », on peut imaginer qu’il s’agit d’elle, peut-être à un autre moment de la chronologie générale, avant ou après. En tout cas il devient possible de faire ce rapprochement.

 

Couplet 3 – Stan

Dear Mister I’m-Too-Good-To-Call-Or-Write-My-Fans,
Cher Monsieur Je-Suis-Trop-Sympa-Pour-Appeler-Ou-Ecrire-A-Mes-Fans
This’ll be the last package I ever send your ass
Ce sera le dernier colis que je t’enverrai
It’s been six months and still no word – I don’t deserve it?
ça fait six mois et toujours aucun mot de ta part – je ne le mérite pas ?
I know you got my last two letters; I wrote the addresses on ’em perfect
Je sais que tu as eu mes deux dernières lettres, j’ai écrit l’adresse parfaitement

Structure de l’intrigue : Acte III, début de la crise. Cette fois le personnage n’a plus de doute, son ton a changé, il sait qu’Eminem ne lui répondra jamais.

On se rappelle que jusqu’ici, le rôle que Stan donnait à Eminem oscillait entre un pôle positif d’Aide, où Eminem lui répondait, et un pôle négatif d’Antagoniste, où Eminem lui refusait tout contact.

Eh bien maintenant les choses sont claires : Stan ne tente plus de séduire son Aide potentiel, il attaque son Antagoniste réel.

Par conséquent, comme le but « obtenir une réponse » est devenu caduc, il se transforme en un anti-but : « obtenir vengeance ».

So this is my cassette I’m sending you, I hope you hear it
Là c’est ma cassette que je t’envoie, j’espère que tu l’écouteras

Cet élément narratif modifie le genre attribué aux paroles qu’on écoute. Il ne s’agit plus de la lecture à voix haute d’une lettre écrite à la main, mais (en théorie parce que l’auditeur entend bien que ce personnage est toujours joué par la voix d’Eminem) de l’enregistrement audio de la voix d’un homme qui va mourir d’ici quelques instants, ce qui fait monter la tension dramatique encore un peu plus.

Ici, l’analyste rencontre un problème de taille : car il n’est pas possible, d’après ses propres mots, que ce message audio soit vrai.

En effet, si le message avait vraiment été enregistré par Stan, sur le vif, au moment où il roule ivre jusqu’à un pont d’où il saute, alors ce message disparaît lui-même dans l’accident, et Eminem, même s’il le voulait, ne pourrait jamais en avoir connaissance.

Ce paradoxe logique souligné par les paroles elles-mêmes (et qui ressemble beaucoup aux célèbres paradoxes liés au concept de voyage dans le temps : si je voyage dans le temps pour tuer mon grand-père, alors je n’existe pas donc je ne voyage pas dans le temps pour tuer mon grand-père…) n’empêche pas la mécanique dramatique de fonctionner.

Une hypothèse : on pourrait interpréter ce message audio comme une sorte de « reconstitution plausible », par Eminem, du message de Stan, après qu’Eminem ait appris aux infos la mort d’un homme. Dès lors, il faudrait reconstruire la chronologie générale des paroles : les couplets 3 et 4 deviendraient contemporains (le faux message audio de Stan étant enregistré par Eminem peu après qu’il ait appris sa mort), et non plus séparés de plusieurs jours ou semaines (comme dans le cas où Stan meurt d’abord, puis son message audio parvient mystérieusement aux oreilles d’Eminem ?).

I’m in the car right now, I’m doing 90 on the freeway
Je suis en voiture là, je fais du 90 miles (145km/h) sur l’autoroute

Structure de l’histoire : ici commence une mini-intrigue, une seconde intrigue donc, mais de courte durée. Elle a pour Héros Stan, son but consiste à se tuer (on ne le sait pas encore), par déception et pour se venger d’Eminem. Il n’y a pas d’Antagoniste : Stan va mettre à bien son projet sans problème.

Hey Slim, I drank a fifth of vodka, you dare me to drive?
Hé Slim, j’ai bu un cinquième de bouteille de vodka, tu crois que je peux conduire?

Pronostic : évidemment, après une pareille information l’auditeur peut calculer la diminution des chances de survie du Héros. Ce plongeon soudain fait aussi monter la tension de cette mini-intrigue.

Notez aussi l’ironie dont joue le personnage de Stan, qui montre bien, implicitement, qu’il a accompli une sorte de révolution psychologique depuis sa deuxième lettre : il défie Slim de l’empêcher de conduire ivre, sachant bien que quand Eminem apprendra les faits, lui, Stan, sera déjà mort. Avant, il espérait qu’Eminem allait répondre ; maintenant, il prend une joie sadique à constater que même s’il le voulait, Eminem ne pourrait plus lui répondre. Avant, il apparaissait comme un Héros faible et impuissant, qui n’avait aucun moyen concret d’accéder à son but ; maintenant que son but n’est plus de séduire Eminem, mais de le punir en se tuant, Stan devient maître de sa destinée. Ainsi, le fan punit la star, cherche à l’envoyer au tapis, moralement parlant.

You know the song by Phil Collins, « In the Air Tonight »
Tu connais la chanson de Phil Collins, « In The Air Tonight »
About that guy who coulda saved that other guy from drowning
à propos de ce type qui aurait pu sauver cet autre type de la noyade
But didn’t, then Phil saw it all, then at a show he found him?
mais ne l’a pas fait, et puis Phil a tout vu, et à unconcert il l’a retrouvé ?
That’s kinda how this is, you coulda rescued me from drowning
C’est un peu comme ici, tu aurais pu me sauver de la noyade

Annonce terrible du thème de la noyade, qui fait monter d’un cran la tension, et oriente le pronostic.

Now it’s too late – 
Maintenant c’est trop tard,

Cela, c’est la clé du superbe effet dramatique qui va exploser pendant toute cette deuxième moitié du morceau : « trop tard ! »

I’m on a 1000 downers now, I’m drowsy
j’ai pris un millier de calmants, je somnole

Révélation progressive de l’information : on venait d’apprendre que le Héros avait bu pas mal de vodka, maintenant on sait qu’il s’est gavé de calmants, personne n’ignore que les deux combinés entrainent un danger de mort, donc la tension dramatique crève le plafond.

And all I wanted was a lousy letter or a call
Tout ce que je voulais c’était une lettre à la con ou un coup de fil
I hope you know I ripped all of your pictures off the wall
Je veux que tu saches que j’ai arraché toutes tes photos du mur

Eh bien non on ne savait pas que Stan avait arraché les photos d’Eminem, mais on constate que Stan insiste bien pour le faire savoir.

Ces photos sur le mur, ça ne vous rappelle rien ? Evidemment ! Les photos du refrain. On a donc un délicat parallèle, entre un Stan qui délaisse sa femme et qui est fasciné par les photos d’Eminem, et une femme réconfortée par les photos de quelqu’un.

Pourtant, on ne peut pas clairement identifier les deux situations. La femme du refrain ne peut pas être la femme de Stan après sa mort. Elle pourrait à la limite être la femme de Stan longtemps avant le drame, quand ça allait encore entre eux, quand Stan n’était pas encore trop obsédé par sa passion pour Eminem.

I love you Slim, we coulda been together, think about it
Je t’aime Slim, on aurait pu être ensemble, penses-y

Troublante déclaration d’amour gay.

Eminem a manifestement un problème avec l’homosexualité, sa virulence à critiquer les gays, à s’en moquer ou à se défendre d’être gay laisse penser qu’une partie de lui-même ressent fréquemment le besoin d’en intimider une autre. Quelqu’un qui ne pense jamais « je suis gay » ne ressent jamais le besoin d’affirmer violemment « je ne suis pas gay ! »

You ruined it now, I hope you can’t sleep and you dream about it
T’as tout foutu en l’air, j’espère que ça t’empêchera de dormir et que t’en rêveras
And when you dream I hope you can’t sleep and you SCREAM about it
Et dans ton rêve j’espère que tu peux pas dormir et que tu HURLES
I hope your conscience EATS AT YOU and you can’t BREATHE without me
J’espère que ta conscience TE DEVORE et que tu peux pas RESPIRER sans moi

Structure de l’intrigue : la crise s’intensifie, le Héros s’en prend directement à l’Antagoniste et cherche à le détruire.

See Slim…  Shut up bitch! I’m trying to talk!
Tu vois Slim… [hurlement de voix de femme] Ferme-la connasse ! Je parle là !

Hop, juste quelques mots et l’auditeur peut imaginer la scène. Eminem, c’est du cinéma musical. Comme dans un film, on peut faire de très brefs sauts entre intrigues.

Hey Slim, that’s my girlfriend screaming in the trunk,
Hey Slim, c’est ma copine qui gueule dans le coffre,
But I didn’t slit her throat, I just tied her up, see I ain’t like you
Mais j’ai pas tranché sa gorge, je l’ai juste attachée, tu vois je suis pas comme toi

I ain’t like you : précédemment Stan avait dit see I’m just like you in a way, on constate donc qu’il a enfin pris conscience de sa propre identité, distincte de celle de son objet d’amour.

Avant, Stan s’illusionnait, et faisait corps avec la star. Maintenant, Stan a compris qu’il n’est personne.

Intertextualité : l’expression slit her throat, « couper la gorge », revient à de nombreuses reprises dans les paroles d’Eminem. On la retrouve notamment mise en scène dans deux autres chansons très dramatiques dont les situations se recoupent entre elles et avec celle de Stan : 97′ Bonnie and Clyde et Kim.

‘Cause if she suffocates she’ll suffer more, and then she’ll die, too
Parce que si elle suffoque elle souffre plus, et puis elle va mourir
Well, gotta go, I’m almost at the bridge now
Bon, faut que j’y aille, je suis presque sur le pont maintenant

Annonce du climax imminent.

Oh shit, I forgot, how’m I supposed to send this shit out?
Oh merde, j’ai oublié, comment je suis censé envoyer cette merde ?

Eh oui.

Enorme ironie dramatique ici.

L’impossibilité logique de la situation se heurte frontalement à son réalisme. On entend la voix de quelqu’un, son propos est crédible et cohérent, ce qu’il raconte fait sens, l’auditeur est même témoin de nombreux détails de l’action à travers les bruitages et les cris de la femme prisonnière dans le coffre, bref tout nous fait sentir que la scène est vraie, et pourtant cette même scène nous dit finalement qu’elle ne peut pas avoir lieu.

Et donc, la question finale de Stan reste en suspens et génère… du suspense ! Pendant tout le prochain refrain et jusqu’à la fin du prochain couplet, l’auditeur restera dans l’incertitude quant à savoir si oui ou non Eminem a bien reçu le message de Stan.

Crissements de pneus, bruit de crash, bref silence, bruit de plouf dans l’eau.

Climax. En se suicidant, le Héros Stan s’est vengé : de son propre but qu’il tue, et de son Antagoniste Eminem qu’il prive à tout jamais de son pouvoir de réponse, et qu’il espère charger de culpabilité.

A ce moment, l’auditeur pourrait croire que l’histoire est terminée, par disparition du Héros. Mais l’existence du prochain couplet révélera qu’il s’agissait d’une fausse piste :  l’histoire de Stan n’est pas complètement terminée, elle va trouver une seconde conclusion, très surprenante.

 

Refrain – Dido

My tea’s gone cold I’m wondering why I got out of bed at all
The morning rain clouds up my window and I can’t see at all
And even if I could it’ll all be gray, but your picture on my wall
It reminds me, that it’s not so bad, it’s not so bad.

A ce stade, les mots it’s not so bad, ça va pas si mal, prennent une charge terrible, une fois inscrit dans une ligne narrative :

  • Suicide de Stan,
  • double-meurtre de sa femme et de leur bébé,
  • attentat symbolique contre Eminem,
  • it’s not so bad, it’s not so bad [???!!!]

Certes, si le choléra se déclarait dans le public en fin de refrain en même temps qu’une astéroïde frappe les trois centrales nucléaires voisines, ça pourrait être pire !

 

Couplet 4 – Eminem

Dear Stan, I meant to write you sooner but I’ve just been busy
Cher Stan, je voulais t’écrire plus tôt mais j’étais occupé,

Eminem répond par lettre

Là, je sais pas vous, mais moi, j’entends une explosion.

Une explosion émotionnelle retentissante et dramatique.

En effet, dès lors qu’on entend le « Cher », on sait qu’il s’agit d’une lettre, et dès que ce « Cher » se complète par le nom de « Stan », on comprend qu’il s’agit de la réponse tant attendue : Stan atteint donc miraculeusement son but, ce qui fait de lui un Héros victorieux ; hélas, le triomphe post-mortem ne ramènera personne à la vie.

La distribution de l’information a beaucoup d’importance à ce moment. En effet, l’auditeur sait qu’il est trop tard, mais pense probablement qu’Eminem croit Stan vivant, sinon pourquoi lui écrirait-il ?

Cet effet de « trop tard ! » constitue un élément typique du genre de la tragédie. On en a des versions classiques entre autres chez Shakespeare, dans Romeo and Juliet quand Romeo se suicide en croyant Juliet morte, et dans Hamlet quand Hamlet ose enfin tuer le roi, mais reçoit un coup mortel.

You said your girlfriend’s pregnant now, how far along is she?
Tu dis que ta copine est enceinte, elle en est à combien ?
Look, I’m really flattered you would call your daughter that
Ecoute, je suis vraiment flatté que tu appelle ta fille comme ça
And here’s an autograph for your brother, I wrote it on the Starter cap
Et voilà un autographe pour ton frère, je l’ai écrit sur une casquette Starter

Trop tard, trop tard, trop tard !

I’m sorry I didn’t see you at the show, I musta missed you
Désolé de pas t’avoir vu au concert, j’ai dû te rater
Don’t think I did that shit intentionally just to diss you
Ne crois pas que j’aie fait ça intentionnellement pour te faire chier

Notez le parallélisme dans la construction des lettres, qui commencent pareil, continuent pareil, thème par thème.

L’harmonie de ce dialogue différé souligne, encore une fois, sa tragique impossibilité. Stan est mort !

But what’s this shit you said about you like to cut your wrists, too?
Mais c’était quoi ce truc à propos de te couper les veines, au fait ?
I say that shit just clowning dogg, c’mon – how fucked up is you?
Je veux dire ce truc c’est une grosse blague, allez… T’es taré à quel point ?
You got some issues Stan, I think you need some counseling
T’as des problèmes Stan, je pense que t’aurais bien besoin d’un psy
To help your ass from bouncing off the walls when you get down some
Pour t’aider à rebondir contre les murs quand t’es pas bien

Depuis le début de sa réponse, Eminem adopte clairement un rôle positif d’Aide de Stan : non seulement il lui fait l’honneur d’une réponse mais en plus il se montre amical et concerné.

Rôle qui, on le sait, contraste totalement avec celui que Stan dégoûté a fini par lui donner par dépit.

And what’s this shit about us meant to be together?
Et c’est quoi cette merde à propos de nous faits pour être ensemble ?
That type of shit’ll make me not want us to meet each other
Ce genre de truc ne me donne pas envie de te revoir
I really think you and your girlfriend need each other
Je pense vraiment que toi et ta copine vous avez besoin l’un de l’autre
Or maybe you just need to treat her better
Ou peut-être il faudrait juste que tu la traites mieux

LOL. C’est l’auteur de 97 Bonnie & Clyde et de Kim (deux chansons où Eminem violente et tue sa femme), qui parle. Un psychologue conjugal de premier ordre.

I hope you get to read this letter, I just hope it reaches you in time
J’espère que tu liras cette lettre, j’espère qu’elle te parviendra à temps

Répétition de l’effet tragique « trop tard ! »

Et puis, entendez-vous l’écho ? I hope you… I hope you… Stan aussi disait ça dans son message audio. Sauf qu’en fait il disait I hope you can’t sleep and you dream about it, And when you dream I hope you can’t sleep and you SCREAM about it, I hope your conscience EATS AT YOU and you can’t BREATHE without me… Le parfait parallèle se double d’un parfait contraste.

Before you hurt yourself, I think that you’ll be doing just fine
Avant que tu ne te fasses du mal, j’espère que tu iras bien tout simplement
If you relax a little, I’m glad I inspire you but Stan
Si tu te détends un peu, je suis heureux de t’inspirer mais Stan
Why are you so mad? Try to understand, that I do want you as a fan
Pourquoi est-tu si énervé ? Essaye de comprendre, que oui je te veux comme fan
I just don’t want you to do some crazy shit
Je veux juste pas que tu fasses une grosse connerie

Encore Eminem dans son gentil rôle d’Aide.

Autobiographie : entre les lignes, on peut se sentir touché ici par la sincérité pudique d’Eminem, qui en réalité parle un peu beaucoup de lui-même à travers le personnage de Stan. Car c’est bien Eminem qui a de gros problèmes avec sa femme, qui a des tendances suicidaires, qui aurait bien besoin d’un psy, qui fait des trucs de fou.

I seen this one shit on the news a couple weeks ago that made me sick
J’ai vu cette connerie aux infos y’a quelques semaines ça m’a rendu malade

Début d’une sorte de retour, de version 2 de la crise de l’intrigue de Stan, re-racontée mais en changeant de point de vue. Stan est devenu le sujet de reportages à la télé. Il n’est plus narrateur, c’est la télé puis Eminem qui racontent.

Some dude was drunk and drove his car over a bridge
Un type ivre a balancé sa bagnole par-dessus un pont
And had his girlfriend in the trunk, and she was pregnant with his kid
Et sa copine était dans le coffre, elle était enceinte de leur gamine

On reconnait évidemment les principaux éléments de l’intrigue de Stan. Ce qui nous révèle de manière très surprenante qu’Eminem, depuis le début de sa réponse, savait que son destinataire était mort, alors que jusque-là nous les auditeurs nous avions cru qu’il l’ignorait.

Conséquence : toute l’ironie tragique qu’on vient de décrire était une fausse piste. Et pourtant, cela n’en annule en rien la force émotionnelle, cela ne fait qu’ajouter au brio de l’histoire. Car quand nous acceptons l’idée qu’Eminem répond en connaissant la vérité, donc en sachant que Stan ne le lira pas, en sachant qu’il parle dans le vide, que quelque part Stan a gagné son pari, à ce moment on se rend compte de la beauté du geste d’Eminem, qui rend hommage à un fantôme, qui parle à un souvenir, qui peine un peu à réaliser, qui doit gérer le deuil quand même.

And in the car they found a tape, but they didn’t say who it was to
Et dans la voiture ils ont trouvé une cassette, mais ils ont pas dit à qui elle était destinée

Ceci répond finalement à la dernière question de Stan : Eminem recevrait-il le message audio ? La réponse n’est pas totalement claire.

Come to think about it, his name was… it was you! Damn!
En y repensant, son nom était… c’était toi ! Merde !

La révélation d’information précédente trouve sa formulation la plus complète.

 

Synthèse

Combien d’intrigues ?

Une intrigue principale se compose des 3 messages de Stan, un fan d’Eminem qui lui écrit et qui finit, désespéré de ne pas avoir de réponse, par se tuer en emportant sa copine et leur bébé avec lui dans la mort. Les 3 messages correspondent exactement au contenu des 3 premiers couplets.

Le refrain expose une situation sans problème et ne la développe pas. Cette situation qui revient change de couleur affective et de sens, mais elle ne se connecte pas narrativement à l’intrigue principale, ou indirectement, par allusion.

La réponse d’Eminem dans le couplet 4 est plus composite. Elle comporte :

  • une sorte de commentaire suite à l’intrigue principale,
  • une répétition de l’Acte III de l’intrigue principale – la mort de Stan – avec changement spectaculaire de réponse à la question dramatique – on passe de Stan vivant et vaincu à Stan mort mais triomphant
  • on peut aussi considérer qu’il s’agit d’une mini-intrigue (dont le Héros Eminem aurait pour but de rendre hommage à Stan) qui repose essentiellement sur un fort effet de distribution de l’information associé à une fausse piste : on nous fait croire qu’Eminem croit Stan vivant avant de nous révéler qu’Eminem sait bien que Stan est mort.

Combien de personnages actantiels ?

Il n’y a que 3 personnages actantiels :

  • Le Héros : Stan, fan d’Eminem. Stan veut une réponse d’Eminem.
  • L’Antagoniste : Eminem, qui ne donne pas de réponse, ou trop tard.
  • L’Aide du Héros : Eminem – c’est du moins le rôle que voudrait lui faire jouer Stan, et qu’Eminem assume après la mort de Stan.

13 autres personnages sont mentionnés :

  • Le père et la mère de Stan. Stan les évoque, mais ils n’ont aucune influence sur ses décisions.
  • Le père et la mère d’Eminem. Même remarque.
  • Ronnie, l’oncle d’Eminem. Stan l’évoque. Mais Ronnie est mort il y a longtemps et ne sait rien de Stan.
  • La femme d’Eminem et leur fille. Stan en demande des nouvelles à Eminem, mais ça n’y change rien.
  • Skam et Rawkus, les collaborateurs d’Eminem. C’est du passé.
  • Matthew, le petit frère de Stan. Il est utilisé par Stan comme argument pour toucher le coeur d’Eminem, mais il n’est pas personnellement impliqué.
  • La petite amie de Stan. Enfermée dans le coffre, elle ne peut pas empêcher Stan de les tuer tous les deux. Elle joue un rôle, mais pas actantiel : émotionnel.
  • Les 2 personnages de la chanson de Phil Collins. Simples points de comparaison.

Au final, aucun de ces personnages n’a de rôle actantiel. Stan les mentionne, mais ils ne participent jamais à son histoire.

Synthèse comparative : Kim, 97 Bonnie & Clyde, Stan

Kim, 97 Bonnie & Clyde, Stan : trois chansons d’amour-haine

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