Dr Dre ft Snoop Dogg – The Next Episode – Traduction et signification des paroles

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Analyse des paroles de chanson gangsta-rap
PDF, 135 pages

 

Dr Dre ft Snoop Dogg – The Next Episode – Traduction et signification des paroles

Dr. Dre - The Next Episode (Official Music Video) ft. Snoop Dogg, Kurupt, Nate Dogg

Intro

La-da-da-da-dahh

It’s the motherfuckin D-O-double-G (SNOOP DOGG!)

C’est le putain de sa mère de D-O-double-G (SNOOP DOG!)

La-da-da-da-dahh

You know I’m mobbin with the D.R.E.

Tu sais que je suis de mèche avec le D.R.E.

(YEAH YEAH YEAH

Ouais ouais ouais

You know who’s back up in this motherfucker!)

Tu sais qui revoilà fils de pute !

What what what what?

Quoi quoi quoi quoi ?

(So blaze the weed up then!)

Alors allume la beuh !

Blaze it up, blaze it up!

Allume-le allume-le !

(Just blaze that shit up nigga, yeah, ‘sup Snoop??)

Allume cette merde négro, ouais, comment va Snoop ?

 

Couplet 1 – Snoop Dogg

Top Dogg, bite em all, nigga burn the shit up

Chien de tête, mords-les tous, négro mets le feu

D-P-G-C my nigga turn that shit up

D-P-G-C mon négro monte le son

C-P-T, L-B-C, yeah we hookin back up

C-P-T, L-B-C, ouais on copine encore

And when they bang this in the club baby you got to get up

Et quand ils passent ça à fond dans le club bébé tu dois te lever

Thug niggaz drug dealers yeah they givin it up

Négros voyous, dealers, ouais ils assurent

Lowlife, yo’ life, boy we livin it up

Sous-vie, ta vie, garçon on la vit à fond

Takin chances while we dancin in the party fo’ sho’

Tentant notre chance en dansant dans la fête bien sûr

Slip my hoe a forty-fo’ and she got in the back do’

J’ai (en)filé un 44 à ma pute et elle a pris la porte de derrière

Bitches lookin at me strange but you know I don’t care

Les garces me regardent bizarrement mais tu sais que je m’en fous

Step up in this motherfucker just a-swangin my hair

J’ai buté dans l’aut’ fils de pute je me suis juste recoiffé

Bitch quit talkin, Crip walk, stay down with the set

Garce ferme-la, marche Crip, reste ici avec les autres

Take a bullet with some dick and take this dope from this jet

Prends une balle avec une bite et prends cette came de ce jet

Out of town, put it down for the Father of Rap

Loin de la ville, et ramène-la au Père du rap

And if yo’ ass get cracked, bitch shut yo’ trap

Et si tu t’fais coincer, salope ferme ta gueule

Come back, get back, that’s the part of success

Reviens, repars, ça fait partie du succès

If you believe in the S you’ll be relievin your stress

Si tu fais confiance au S tu soulageras ton stress

 

Interlude – Snoop Dogg and Dr. Dre

La-da-da-da-dahh

It’s the motherfuckin D.R.E. (Dr. Dre MOTHERFUCKER!)

C’est le putain de sa mère de D.R.E.

La-da-da-da-dahhh

You know I’m mobbin with the D-O-double-G

Tu sais que je suis de mèche avec le D-O-double-G

 

Couplet 2 – Dr Dre

Straight off the fuckin streets of C-P-T

Tout droit sorti des putains de rues de C-P-T

King of the beats you ride to em in your Fleet (Fleetwood)

Roi des beats tu roules vers eux dans ta Fleet

Or Coupe DeVille rollin on dubs

Ou une Coupe DeVille surélevée

How you feelin whoopty=whoop nigga whut?

Comment tu te sens tout zarbi négro quoi ?

Dre and Snoop chronic’ed out in the ‘llac

Dre et Snoop ont chroniqué dans la (Cadi)’llac

With Doc in the back, sippin on ‘gnac (yeah)

Avec Doc à l’arrière, sirotant un (Co)’gnac

Clip in the strap, dippin through hoods (what hoods?)

Flingue dans l’étui, filant dans les quartiers (quels quartiers ?)

Compton, Long Beach, Inglewood!

Compton, Long Beach, Inglewood !

South Central out to the Westside (wessyde)

South Central et jusqu’à l’ouest

It’s California Love, this California bud got a nigga gang of pub

C’est de l’amour californien, cette beuh californienne a tout un gang de nègres à elle

I’m on one, I might bail up in the Century Club

J’en fais partie, je pourrais aller flamber au Century Club

With my jeans on, and my team strong

En jeans, avec mon équipe de durs

Get my drink on, and my smoke on

Prendre un verre, fumer un spliff

Then go home with, somethin to poke on (whassup bitch?)

Puis rentrer avec quelque chose à tringler (ça va salope ?)

Loc it’s on for the two-triple-oh !

Poto c’est parti pour le deux-triple-oh !

Comin real, it’s the next episode…

ça arrive vraiment, au prochain épisode

 

Outro – Nate Dogg

Hold up, waiiiiiiit

Attends attends

For my niggaz who be thinkin we soft

Pour mes négros qui croient qu’on est des doux

We don’t, playyy

On rigole pas

We gon’ rock it til the wheels fall off

On va tout défoncer jusqu’à ce que les roues tombent

Hold up, heyyy

Attends, hé

For my niggaz who be actin too bold

Pour mes négros, qui seraient trop téméraires

Take a seeaaaaaat

Prends un sièèèège

Hope you ready for the next episode, heyyyeyyy….

J’espère que t’es prêt pour le prochain épisode, hééééé….

…smoke weed everday!

… fume de l’herbe toute la journée !

 

The Next Episode – Explication des paroles

Intro

La-da-da-da-dahh

D’office en mettant autre chose que des mots intelligibles comme texte d’ouverture, on fait un effet, on dit quelque chose.

Cette intro traduit la bonne humeur, on est donc dans un registre à la CALIFORNIA LOVE, du hip-hop pas trop contestataire, plutôt joyeux, optimiste, car gagnant, donc frimeur, aguicheur. On est loin de l’humeur sinistre ou négativement agressive de tubes comme STRAIGHT OUTTA COMPTON de N.W.A., GANGSTA’S PARADISE de Coolio, ou WHO SHOT YA? de The Notorious B.I.G.

It’s the motherfuckin D-O-double-G (SNOOP DOGG!)

C’est le putain de sa mère de D-O-double-G (SNOOP DOG!)

Ah, nous voilà de retour à quelque chose qu’on connait : un motherfucker ! Il donne son blase, dans le cadre d’une pratique qui ressemble à celle du graffiti : l’oeuvre, c’est le nom de l’artiste, sa signature.

Et signer son oeuvre d’entrée, c’est déjà depuis longtemps une tradition, un code des paroles rap, qui fondamentalement consiste à dire “Ouais, c’est moi qui parle maintenant”.

Ce nom d’artiste sonne à la fois

  • enfantin – tout le monde connait Snoopy
  • décalé – c’est un drôle de nom pour un gangster comme pour un rappeur
  • ”pop” – c’est un “ready-made”, un nom trouvé, réapproprié, une parodie de la culture de masse, comme dans l’art des années 60 (Andy Warhol ou Lichtenstein reprenant des BD…)
  • ghetto – le mot dogg a un “g” en trop, il est écrit par un cancre, et les rappeurs, on l’a vu avec les “muthaphuckkin’ G’s” d’Eazy-E, aiment massacrer l’orthographe, ça leur sert de revanche après les humiliations scolaires
  • gangster – oui, gangster, car paradoxalement, si tu veux pas finir en prison, quand tu vis de manière illégale quelqu’un il vaut mieux dire à tout le monde que tu t’appelles Snoopy le chien, plutôt que distribuer des copies de ta carte d’identité, y compris à tes victimes. Bref, ce blase ridicule est la cachette idéale du crime – comme un kilo de shit dans le nounours de la petite, dans la pousette, ça passe nickel à l’aéroport.

Bref, ça n’a l’air de rien, mais c’est riche de sens, ce nom, et ça va prêter à divers jeux de mots.

Au fait, le vrai nom de ce chanteur est Calvin Cordozar Broadus, Jr. Il aurait pu signer de son vrai nom, mais il a évidemment préféré ce nom de scène qui cache sa véritable identité. Ce véritable nom lui-même a pu, par son étrangeté, influencer le surnom, car il est composé de noms qui ne vont pas vraiment ensemble :

  • Calvin vient du prédicateur protestant suisse, Jean Calvin
  • Cordozar sonne espagnol, ce qui est curieux pour un afro-américain
  • Broadus sonne à la fois anglo-saxon (“broad” signifie “large”) et latin, ce qui une troisième fois ne colle pas à l’identité d’un afro-américain.

Je ne souligne pas le problème pour le plaisir de disserter mais vraiment parce qu’il s’agit d’un problème de fond des artistes afro-américains aux USA : ils ont du mal à avoir un nom à eux, vu qu’étant descendants de gens arrachés à leurs origines, ils ont été nommés d’après leurs maîtres, et leurs noms sonnent donc passablement absurdes, car empruntés à tout sauf à des africains – alors que les chanteurs et chanteuses du monde blanc n’ont aucun mal à assumer leur état-civil comme artistes de rock ou de variété – on a le droit d’être John Lennon, Lou Reed, Britney Spears.

La-da-da-da-dahh

You know I’m mobbin with the D.R.E.

Tu sais que je suis de mèche avec le D.R.E.

La signature s’étend à D.R.E., de son vrai nom Andre Young. Snoop trouve ici une nouvelle manière de dire un nom qui est déjà un codeD.R.E est un peu la version grandiose (comme si c’était le sigle d’un gros truc important comme l’O.N.U.) de Dre qui est la version familière et raccourcie de Andre qui est un prénom d’origine française assez courant chez les afro-américains, et qui sonnait donc banal et sans valeur. Ce prénom de pauvre est devenu un nom d’artiste multimillionnaire.

I’m mobbin’ est difficile à traduire. To mob, c’est se mobiliser, pour une cause. C’est donc une métaphore, Snoop serait en train de se mobiliser pour une grande cause, celle de la musique de Dre.

(YEAH YEAH YEAH

Ouais ouais ouais

You know who’s back up in this MOTHERFUCKER!)

Tu sais qui revoilà fils de pute !

What what what what?

Quoi quoi quoi quoi ?

Snoop a un style très oral, il en joue sciemment. C’est un des auteurs les plus ludiques, il joue avec les mots, les sons, les rythmes, les intonations de la diction, les double sens comiques, les raccourcis scotchants etc. Ce style résonne bien avec le côté cartoon de son nom : il rappe comme un grand enfant, un ado farceur.

(So blaze the weed up then!)

Alors allume la beuh !

Blaze it up, blaze it up!

Allume-le allume-le !

(Just blaze that shit up nigga, yeah, ‘sup Snoop??)

Allume cette merde négro, ouais, comment va Snoop ?

Vous voyez, c’est dans ce genre de situation qu’il vaut mieux s’appeler Snoop. Si y’a du flic ou du citoyen “guerre-aux-drogues” dans le coin, vaut mieux pas leur crier ton vrai nom au moment où tu t’allumes le gros trois-feuilles…

 

Couplet 1 – Snoop Dogg

Top Dogg, bite em all, nigga burn the shit up

Chien de tête, mords-les tous, négro mets le feu

Snoop commence fort !

Top Dogg, c’est un jeu de mots qui mélange le nom volontairement fautif du chanteur, et le concept de “top dog”, chien dominant.

Soit dit en passant, ce concept est fumeux. Le comportement des chiens vient du comportement des loups, et le comportement des loups, leur hiérarchie sociale notamment, n’a rien à voir avec ce à quoi pense Snoop Dogg en se désignant comme Top Dogg. Snoop Dogg s’imagine à tort que les chiens et les loups fonctionnent comme lui, citoyen d’une économie de marche ultra-compétitive. Or les chiens et les loups sont considérablement plus altruistes et moins compétitifs que les artistes californiens. En fait Snoop Dogg colporte là une vieille erreur scientifique, le Darwinisme social qui a inspiré le nazisme en Allemagne et la politique raciale blanche aux Etats-Unis, ce Darwinisme social qui prétendait retrouver une “loi du plus fort” à l’oeuvre dans les sociétés humaines a été chassé de la science depuis des décennies, mais est resté comme un cliché dans l’imaginaire populaire…

Top Dogg peut aussi faire allusion à une position sexuelle genre la levrette, “doggy style”, où Snoop en tant qu’homme serait forcément le top dog, le chien du dessus – l’expression prenant une évident connotation misogyne.

Bite ‘em all, mords-les tous : le public entend implicitement d’autres mots ici, on comprend que mords-les tous est l’équivalent canin de kill them all, tue-les tous. En fait, c’est le début d’une longue métaphore filée, Snoop se décrivant en chien dans le monde humain, voyant tout de manière canine. Se transformer en animal familier c’est aussi une bonne manière de faire de la critique sociale et de la satire sociale.

Nigga : on renoue avec le public-cible typique du rap des origines. Après les grands succès mainstream, c’est comme si Dre et Snoop se voulaient de retour aux sources.

Burn the shit up : dans le contexte où on vient d’évoquer le fait d’allumer la beuh, on pense évidemment que cette expression veut dire “allume ce joint”, mais telle quelle, elle a un sens plus ouvert, et signifie “brûle cette merde” – ça peut être ta maison ou le monde.

D-P-G-C my nigga turn that shit up

D-P-G-C mon négro monte le son

D-P-G-C est le nom d’un collectif de rappeurs, réunissant Snoop Dogg, Nate Dogg, Tha Dogg Pound (Kurupt and Daz Dillinger), et d’autres. C’est donc encore une manière de signer son oeuvre, qui consiste en une signature. On vient de souligner le côté canin des métaphores de Snoop Dogg et ici, il nous présente tout son chenil.

C-P-T, L-B-C, yeah we hookin back up

C-P-T, L-B-C, ouais on copine encore

C-P-T : le public et surtout les fans de hip-hop connaissent ce sigle depuis les tubes de N.W.A., STRAIGHT OUTTA COMPTON et FUCK THA POLICE. Cela désigne Compton évidemment, la ville de Dre.

L-B-C : Long Beach, la ville de Snoop.

We hookin back up : c’est de l’anglais argotique, oral et fautif – la version en anglais “correct” serait “We are hooking back up”. Le terme hook est polysémique, il veut dire à la fois “crochet” (et Hook est le nom original du Capitaine Crochet de Disney, un pote à Snoop donc), “refrain”, “pute”, tandis que le verbe “to hook up” veut dire sortir avec quelqu’un, flirter, de la rencontre au sexe. We’re hookin’ back up signifie donc à la fois :

  • On s’associe, on s’accroche par nos crochets
  • On racole ensemble, comme des prostituées
  • On fait des refrains, on chante

And when they bang this in the club baby you got to get up

Et quand ils passent ça à fond dans le club bébé tu dois te lever

They bang : l’expression est jolie, métaphore à la gangster, qui “tire” sa musique qui est comme le “pan” d’un coup de feu.

In the club : comme dans CALIFORNIA LOVE, le nouveau public de Snoop et Dre n’est plus seulement le ghetto noir mais les clubs du monde.

Baby : progressivement le courant rap va pousser ses crooners et ses lovers. On a là le germe du futur tube de 50 Cent, IN DA CLUB, avec son personnage de rappeur-séducteur, irrésistible.

Thug niggaz drug dealers yeah they givin it up

Négros voyous, dealers, ouais ils assurent

Ah, la délinquance originelle du rap se retrouve évoquée chaleureusement. Cette chanson fait un peu la synthèse entre l’esprit “rap puriste” et l’esprit “rap commercial”.

Lowlife, yo’ life, boy we livin it up

Sous-vie, ta vie, garçon on la vit à fond

Jolie figure de style ! Le vers commence sur low, bas, finit sur up, haut…

Ce vers délivre un message hédoniste, assez nouveau dans le rap mais déjà assumé depuis des morceaux comme CALIFORNIA LOVE où le rap se mariait à la culture contestataire blanche issue du mouvement hippie (peace and love, and weed, un mélange qu’on retrouvera en France chez PNL).

Notez le remarquable festival de rimes en up auquel on vient d’assister :

  • burn the shit up
  • turn that shit up
  • we hookin back up
  • you got to get up
  • they givin it up
  • we livin it up

Ce qui répond à l’injonction de l’intro, blaze it up ! allume-le, enflamme-le, bref, mets le feu. Mettre le feu c’est créer de la chaleur, de l’agitation, et la chaleur s’élève, comme l’excitation du public. Bref, ces rimes en up sont un bon moyen de chauffer le public !

Takin chances while we dancin in the party fo’ sho’

Tentant notre chance en dansant dans la fête bien sûr

Takin chances : l’expression est polysémique, elle veut dire qu’on tente sa chance en essayant de flirter sur le dancefloor, et qu’on tente également sa chance en tant que musiciens pour faire danser le club.

Slip my hoe a forty-fo’ and she got in the back do’

J’ai (en)filé un 44 à ma pute et elle a pris la porte de derrière

Ce vers est profondément ambigu : Slip my hoe a forty-fo est plein d’argot.

To slip, c’est glisser, au sens passif (enfiler quelque chose dans autre chose, en le faisant glisser) ou actif (quelqu’un qui glisse sur quelque chose, ou quelqu’un qui fait glisser quelque chose à quelqu’un d’autre).

My hoe, c’est my whore, ma pute…

a fourty-fo’, c’est un quarante-quatre, et on ne sait pas ordinairement ce que c’est, mais cela désigne très probablement un pistolet de diamètre 44, ou quelque chose dans ce genre.

Donc on peut aussi bien comprendre : j’ai enfilé un 44 à ma pute et elle a pris la porte arrière, où cette porte arrière aurait une connotation… anale ?, ou J’ai filé un 44 à ma pute et elle a pris la porte arrière, où pute désignerait… sa copine, ou une complice ? et cette situation serait alors celle de Snoop tendant un piège à un ennemi, envoyant sa copine armée par la porte arrière.

Bitches lookin at me strange but you know I don’t care

Les garces me regardent bizarrement mais tu sais que je m’en fous

Bitches : le mot va progressivement se banaliser et perdre de son pouvoir offensif, à force d’être mis à toutes les sauces.

I don’t care : on retrouve l’attitude dilettante chantée par Eazy-E dans REAL MUTHAPHUCKKIN’ G’S, ou Coolio sur un mode tragique dans GANGSTER’S PARADISE, entre autres : le tueur ou agresseur sexiste, méprisant, indifférent à tout, même à ses victimes.

Step up in this motherfucker just a-swangin my hair

J’ai buté dans l’aut’ fils de pute je me suis juste recoiffé

Step up : ici, il n’y a plus de sujet, l’écriture très dense supprime les éléments inutiles car facilement devinables, et préfère laisser flotter les sens des mots sans les actualiser concrètement, comme pour rendre le propos plus universel.

Le vers est ambigu, on peut le comprendre de deux manières :

j’ai buté dans ce motherfucker en me recoiffant les cheveux, genre j’en avais rien à foutre de lui, et c’est donc une expression de mépris cohérente avec celle qui visait les “bitches

ou, j’ai buté dans ce motherfucker et j’en ai rien eu à foutre vu que je me suis juste remis les cheveux en place, soucieux de moi et pas de lui, c’est donc également du mépris.

Bref, soit il te méprise, soit il te méprise autrement, mais t’as le choix, parce qu’il est cool.

Bitch quit talkin, Crip walk, stay down with the set

Garce ferme-la, marche Crip, reste ici avec les autres

Crip walk : style de danse hip-hop centré sur des mouvements rapides des pieds. Crip : gang de L.A. auquel appartenaient des membres de N.W.A.

Take a bullet with some dick and take this dope from this jet

Prends une balle avec une bite et prends cette came de ce jet

Encore beaucoup d’ambiguïté et de jeux de mots dans ce vers :

Take a bullet, veut dire Prends une balle. Mais c’est ambigu, on peut la prendre de manière active, pour s’en servir, charger un flingue et tirer, ou bien on peut la prendre de manière passive, quand quelqu’un d’autre vient de la tirer.

With some dick : some dick, littéralement, c’est “de la bite”, comme  on dit du lait ou de l’argent ; par extension, ça peut être interprété comme une métonymie qui veut dire “prends un homme”. Mais to be a dick, être une bite, c’est être bête, con comme une bite ; et dans ce cas l’expression signifie “prends n’importe quel con”.

Take this dope : littéralement, prends cette came, résonne avec un double sens : Snoop dit à la bitch de prendre cette came qui est dans ce petit avion, mais il dit aussi au public de prendre cette musique.

From this jet : de ce petit avion privé, symbole de la jet-set de l’époque, et de l’embourgeoisement des rappeurs.

Out of town, put it down for the Father of Rap

Loin de la ville, et ramène-la au Père du rap

Ce vers modifie et complète le sens du précédent, en clarifiant le sens qu’avaient les expressions : c’était Snoop en tant que Père du rap qui avait envoyé une bitch avec une dick chercher de la dope en jet.

The Father of rap : cette vantardise ambitieuse colle avec le thème de l’empowerment des afro-américains. Soit l’expression désigne Snoop Dogg lui-même, mais alors ça sonne léger et contraste avec le nom de l’artiste, Le Père = Snoopy le Chien ??? Ou bien cela désigne Dre, plus naturellement, car il est réellement un des fondateurs du rap.

And if yo’ ass get cracked, bitch shut yo’ trap

Et si tu t’fais coincer, salope ferme ta gueule

And if yo’ ass get cracked : double sens, your ass veut dire soit “ton cul”, soit “toi” tout simplement, donc dans un cas ça veut dire “si ton cul se fait craquer”, donc si tu es sodomisé-e, et dans l’autre cas ça veut dire “si tu te fais arrêter”.

Come back, get back, that’s the part of success

Reviens, repars, ça fait partie du succès

Les allusions sexuelles continuent en filigrane, étant donné le pouvoir évocateur de ce va-et-vient, qui désigne aussi les allers-retours en voiture de la passeuse de drogue.

If you believe in the S you’ll be relievin your stress

Si tu fais confiance au S tu soulageras ton stress

Ce vers devient ambigu aussi puisque d’un côté, il fait partie de cette petite histoire de trafic de drogue en jet, et s’adresse à la passeuse, lui disant qu’en tant que parrain de la drogue elle est sous protection, alors que de l’autre côté ce vers s’adresse à tout le public de la chanson, à qui Snoop demande de faire confiance en tant que chanteur très cool, pour relaxer son stress.

Bilan : c’était ambigu de bout en bout, pas un vers sans un double sens !

 

Interlude – Snoop Dogg and Dr. Dre

La-da-da-da-dahh

It’s the motherfuckin D.R.E. (Dr. Dre MOTHERFUCKER!)

C’est le putain de sa mère de D.R.E.

La-da-da-da-dahhh

You know I’m mobbin with the D-O-double-G

Tu sais que je suis de mèche avec le D-O-double-G

Parallèle avec l’intro du morceau, qui présentait Snoop, dans la tradition des MC, et consistait en une double signature, ici reprise et inversée.

On est toujours dans un style pop’ art, décalé, marrant.

 

Couplet 2 – Dr Dre

Straight off the fuckin’ streets of C-P-T

Tout droit sorti des putains de rues de C-P-T

Allusion aux vers devenus mythiques de STRAIGHT OUTTA COMPTON, ce qui fait de cette référence une signature de poids.

King of the beats you ride to em in your Fleet (Fleetwood)

Roi des beats tu roules vers eux dans ta Fleet

King of the beats : l’expression va de pair avec celle de Snoop, the Father of Rap.

La Fleetwood est une voiture de luxe.

Or Coupe DeVille rollin’ on dubs

Ou une Coupe DeVille surélevée

Coupe DeVille est une autre voiture de luxe, nommée à la française.

Rollin on dubs : c’est du vocabulaire du monde du tuning, évoquant des jantes surdimensionnées, spectaculaires.

How you feelin’ whoopty-whoop nigga whut?

Comment tu te sens tout zarbi négro quoi ?

Whoopty-whoop sonne comique, d’autant plus avant le témoignage d’incompréhension qui suit.

Dre and Snoop chronic’ed out in the ‘llac

Dre et Snoop ont chroniqué dans la (Cadi)’llac

Chronic’ed : allusion à l’album best-seller de Dre, THE CHRONIC, 1992.

The ‘llac : il fait exprès de ne pas dire The Cadillac, qui serait trop standard, il se l’approprie en la rendant plus argotique.

With Doc in the back, sippin’ on ‘gnac (yeah)

Avec Doc à l’arrière, sirotant un (Co)’gnac

Ce Doc, c’est un rappeur nommé The D.O.C.

Clip in the strap, dippin’ through hoods (what hoods?)

Flingue dans l’étui, filant dans les quartiers (quels quartiers ?)

Compton, Long Beach, Inglewood!

Compton, Long Beach, Inglewood !

Comme dans CALIFORNIA LOVE, on salue son public.

South Central out to the Westside (wessyde)

South Central et jusqu’à l’ouest

South Central est un quartier de L.A. et l’ouest, c’est l’ouest de L.A.

It’s California Love, this California bud got a nigga gang of pub

C’est de l’amour californien, cette beuh californienne a tout un gang de nègres à elle

Dre cite donc son tube de 1995 avec Tupac, CALIFORNIA LOVE.

This California bud : le terme bud est connu des connaisseurs de cannabis et désigne la fleur, qu’on appelle également weed, herbe, et qui est la partie qu’on fume et qui rend tout “love”. A l’époque, le cannabis passe encore pour une dangereuse drogue, on est encore en plein dans la “War On Drugs”, la “guerre aux drogues” décrétée par les Présidents américains, et revendiquer ouvertement sa consommation usuelle de cannabis, c’est encore passer pour un vrai méchant. En réalité, ce délit est ridicule comparé à ce dont il était question dans le rap originel : meurtres, viols, agressions sauvages : de vrais crimes avec de vraies victimes. 20 ans plus tard, de nombreux Etats des Etats-Unis dépénalisent ou légalisent le cannabis, admettant donc qu’ils l’avaient interdit en dépit du droit et de l’intérêt de la société – mais ces bouffons de politiciens, flics, juges et citoyens répressifs n’ont jamais eu de compte à rendre du fait d’avoir promu et mis en pratique pendant un demi-siècle une législation contraire aux droits de l’homme !!! Le hip-hop aura contribué à populariser le cannabis suffisamment pour faire tomber la stupide législation répressive, faire cesser des millions d’emprisonnements contraires aux droits et libertés fondamentales (dont le droit de s’en fumer un gros), et faire cesser un gâchis d’argent public qui a coûté des milliards en salaires de flics inutiles. Donc, merci le hip hop, burn them all. De toute façon les poètes ont toujours aimé et chanté les fleurs, la nature, et les rêves.

I’m on one, I might bail up in the Century Club

J’en fais partie, je pourrais aller flamber au Century Club

I’m on one : cette expression toute simple est difficile à comprendre. Littéralement : Je suis sur un. Mais un quoi ? On peut penser que ça reprend le précédent “nigga gang of pub” – ou peut-être plutôt le bud, ce qui voudrait dire qu’il est sous l’effet du cannabis ?

Century Club : le Club du Siècle, le nom de ce club de luxe de L.A. peut aussi passer pour un beau symbole dans cette chanson diffusée en clubs en 1999 au tournant du siècle.

With my jeans on, and my team strong

En jeans, avec mon équipe de durs

My team : ce mot reprend le vieux thème du groupe de gangsters, mais il désigne en réalité le nouvel entourage de Dre, devenu un des plus puissants producteurs de la musique américaine.

Get my drink on, and my smoke on

Prendre un verre, fumer un spliff

Then go home with, somethin’ to poke on (whassup bitch?)

Puis rentrer avec quelque chose à tringler (ça va salope ?)

répétition d’une série de 5 “on” depuis “I’m on one”. Cela permet d’appuyer la série d’actions pour en faire quelque de marquant et facile à imaginer.

Something to poke on : il fait évidemment exprès d’utiliser une tournure misogyne, pour provoquer le scandale. C’est là qu’on voit que d’anciennes victimes d’une oppression (blancs/noirs) peuvent très bien contribuer volontairement à une autre oppression (hommes/femmes). Cette misogynie va avec la promotion du cannabis, elle sert à “faire mauvais garçon”, dans la même logique que Michael Jackson avec son album BAD. Mais contrairement à la promotion du cannabis, celle de la misogynie n’entre pas vraiment en conflit avec la culture dominante, qui est elle aussi très largement misogyne.

Loc it’s on for the two-triple-oh !

Poto c’est parti pour le deux-triple-oh !

Loc : argot du gang des Crips de L.A., qui veut dire “pote”. C’est une référence à l’univers des O.G., les Original Gangsters.

Le deux-triple-oh, c’est quoi ? Petite énigme du chanteur au public pour tester son QI… Vous avez compris ? C’est tout simplement l’an 2000. Deux-et-trois-zéro.

Comin’ real, it’s the next episode…

ça arrive vraiment, au prochain épisode

De manière très originale, la chanson ne comporte aucun vrai refrain, et son titre est emprunté à ce vers conclusif du deuxième et dernier couplet.

Au fait, le prochain épisode… de quoi ? Encore une énigme ! Réponse : de la saga de Dre, pardi, et il ne va pas s’arrêter en si bon chemin.

 

Outro – Nate Dogg

Hold up, waiiiiiiit

Attends attends

Le style vocal très parodique colle avec celui de Snoop Dog et l’atmosphère cool et relax de la chanson en général.

Hold up, ça veut dire attends, mais c’est aussi évidemment le nom d’un crime, le braquage, le vol à main armée.

For my niggaz who be thinkin we soft

Pour mes négros qui croient qu’on est des doux

For my niggaz : on retrouve la définition d’un public plutôt de type ghetto. Mais c’est pour amuser la galerie, c’est plutôt pour faire croire au grand-public qu’ils sont toujours dans la rue, alors que comme le rappelait Ice Cube dans sa diss-song NO VASELINE, ils vivent dans des villas.

We don’t, playyy

On rigole pas

Hm, si, quand même.

We gon’ rock it til the wheels fall off

On va tout défoncer jusqu’à ce que les roues tombent

Comique reprise du thème de la balade à L.A. en bagnole de luxe que nous a offert Dre dans son couplet.

Hold up, heyyy

Attends, hé

For my niggaz who be actin too bold

Pour mes négros, qui seraient trop téméraires

Take a seeaaaaaat

Prends un sièèèège

Cette injonction est surprenante : on s’attendait à une menace de mort ou quelque chose du genre.

Hope you ready for the next episode, heyyyeyyy….

J’espère que t’es prêt pour le prochain épisode, hééééé….

Voilà l’explication de l’injonction surprenante : c’était une petite blague, où au lieu de menacer de mort, il conseille juste de patienter jusqu’au prochaine épisode… en fumant de l’herbe. C’est une forme de fausse piste.

…smoke weed everday!

… fume de l’herbe toute la journée !

Ben ouais. ça n’empêche pas d’écrire des romans sur des paroles, hein 😉

 

Synthèse

Le morceau sonne bien, mais les paroles ne sont pas au meilleur niveau.

Elle n’a pas de forme bien spéciale, n’est pas bâtie sur un concept fort, et ne se fait pas spécialement remarquer par la profondeur ou l’ambition ou la nouveauté de ses thèmes.

C’est une bonne chanson dans la veine du gangsta-rap savemment mêlé à des éléments venant de genres plus mainstream, plus pop-rock, comme dans le tube CALIFORNIA LOVE : humour, culture populaire (cartoon, films d’action…), esprit festif, rêve californien, Dolce vita des voyous (“thug life”).

Elle est pimentée par quelques éléments “voyous”, comme

  • la promotion du cannabis et l’évocation positive d’un trafic de drogue  en bande organisée – mais 5 ans après la sortie du film PULP FICTION, qui montrait également violence, machisme, humour, érotisme, et drogue, ce thème de la drogue perd progressivement de son pouvoir subversif puisque l’opinion publique est en train de se renverser en faveur de la dépénalisation
  • une attitude misogyne décomplexée, ultra-macho, présentée comme Super Cool (mais va te faire violer en levrette, Snoop, et reviens chanter des blagues misogynes et homophobes, on verra si c’est fun et si tu gardes ta légendaire bonne humeur)
  • et les habituelles provocations égotistes du style “je suis le meilleur rappeur du monde”.

Pour finir, c’est aussi une chanson qui atteste de la sortie du ghetto d’une partie du monde du rap, ou d’une partie de l’oeuvre de rappeurs venus du ghetto. Avec la banalisation de ce genre de morceau, il s’avère clair que le rap n’est pas qu’une musique pauvre, agressive, brutale, négative, anti-système, et que les rappeurs ne se laissent pas enfermer dans le sinistre destin des vrais gangsters. A l’époque de THE NEXT EPISODE, Eazy-E, Tupac et Notorious B.I.G. sont déjà morts, comme tant d’autres jeunes talents. Les survivants ne cultivent plus la haine et l’agression autant que le faisaient ces trois morts, ils représentent le rap qui veut jouir de la vie (fumer, baiser…) et intégrer la société en lui plaisant, sans l’abattre. C’est toute l’ambiguïté politique de ce courant du rap festif… ça se dit du ghetto, mais les masses bourgeoises du monde entier trouvent ça kiffant et dansent dessus sans souci, signe qu’elles n’y voient aucune menace réelle.

Analyse des paroles de chanson gangsta-rap
PDF, 135 pages

 

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