Jean-Jacques Goldman – Comme toi – Analyse des paroles

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Analyses des paroles de 48 chansons françaises
PDF, 176 pages

 

 

Story&Drama analyse le chef d’œuvre de Jean-Jacques Goldman, portrait d’une fillette ordinaire et éducation discrète à la mémoire de la Shoah.

Dans cette analyse nous utilisons les concepts de nos cours de scénario.

Clip

Jean-Jacques Goldman - Comme toi (Clip officiel)

Paroles de Comme toi

1

Elle avait les yeux clairs et la robe en velours
A côté de sa mère et la famille autour
Elle pose un peu distraite au doux soleil
De la fin du jour

2

La photo n’est pas bonne mais l’on peut y voir
Le bonheur en personne et la douceur d’un soir
Elle aimait la musique, surtout Schumann
et puis Mozart

Refrain

Comme toi… Comme toi…
Comme toi que je regarde tout bas
Comme toi qui dors en rêvant à quoi
Comme toi…

3

Elle allait à l’école au village d’en bas
Elle apprenait les livres, elle apprenait les lois
Elle chantait les grenouilles
Et les Princesses qui dorment au bois

4

Elle aimait sa poupée, elle aimait ses amis
Surtout Ruth et Anna et surtout Jérémie
Et ils se marieraient un jour peut-être à Varsovie

Refrain

Comme toi… Comme toi…
Comme toi que je regarde tout bas
Comme toi qui dors en rêvant à quoi
Comme toi…

5

Elle s’appelait Sarah elle n’avait pas huit ans
Sa vie, c’était douceur, rêves et nuages blancs
Mais d’autres gens en avaient décidé autrement

6

Elle avait tes yeux clairs et elle avait ton âge
C’était une petite fille sans histoire et très sage
Mais elle n’est pas née comme toi,
ici et maintenant

Refrain

Comme toi… Comme toi…
Comme toi que je regarde tout bas
Comme toi qui dors en rêvant à quoi
Comme toi…

Analyse

La structure de cette chanson s’avère très spéciale.

Par son thème, Comme toi se présente d’office comme hyper-dramatique : l’histoire raconte la mort injuste d’une petite fille innocente.

Ce choix est évidemment très symbolique, chargé de sens et d’intentions de la part de l’auteur.

Jean-Jacques Goldman sait qu’il n’y a pas de meilleure manière d’émouvoir les hommes, les femmes, les enfants, que de parler à tous du cas d’une enfant en bonne santé, normale, mignonne, et qui a été envoyée en camp de concentration pour une identité juive qu’elle ne revendiquait même pas, à 7 ans.

Elle avait les yeux clairs et la robe en velours
À côté de sa mère et la famille autour
Elle pose un peu distraite au doux soleil de la fin du jour

Le premier couplet fait le portrait d’une demoiselle qui semble adorable, en mode narrateur omniscient.

La photo n’est pas bonne mais l’on peut y voir
Le bonheur en personne et la douceur d’un soir
Elle aimait la musique surtout Schumann et puis Mozart

Le couplet 2 confirme : la voici au centre d’une photographie familiale qui montre le bonheur en personne.

Les vers sur la musique établissent une connivence spéciale entre :

  • l’auteur-compositeur-interprète Goldman,
  • son personnage de jeune fille mélomane,
  • les grandes figures historiques de la musique que sont les compositeurs cités,
  • et nous les auditeurs de la chanson qui évoque tout cela.

Comme toi (x4)
Comme toi (x4)
Comme toi que je regarde tout bas
Comme toi qui dors en revant à quoi
Comme toi (x4)

La répétition des Comme toi amène un nouveau personnage, toi, dont on se doute qu’il s’agit d’un enfant, sinon on ne pourrait pas le ou la comparer à un autre enfant.

On comprend donc que ce tu qui désigne un enfant est le destinataire de la chanson de Jean-Jacques Goldman.

Mais ce tu a aussi le pouvoir de s’adresser à nous directement : comme toi qui écoute la chanson, comme toi qui la commente…

Ce passage met donc en scène un adulte qui parle d’un enfant sur une image ancienne à un autre enfant qui vit dans le présent.

Elle allait à l’école au village d’en bas
Elle apprenait les livres elle apprenait les lois
Elle chantait les grenouilles et les princesses qui dorment au bois

Le couplet 3 montre une élève studieuse qui apprend la culture populaire sans cesser d’être une enfant.

Elle aimait sa poupée elle aimait ses amis
Surtout Ruth et Anna et surtout Jérémie
Et ils se marieraient un jour peut-être à Varsovie

Le couplet 4 donne une série d’éléments qui, mis ensemble, révèlent enfin l’identité juive de cette jeune fille :

  • trois prénoms bibliques
  • et une ville fortement associée à la Shoah, Varsovie qui a été le théâtre d’une héroïque résistance juive.

Comme toi comme toi comme toi comme toi
Comme toi comme toi comme toi comme toi
Comme toi que je regarde tout bas
Comme toi qui dors en rêvant à quoi
Comme toi comme toi comme toi comme toi

Elle s’appelait Sarah elle n’avait pas huit ans
Sa vie c’était douceur rêves et nuages blancs
Mais d’autres gens en avaient décidé autrement

Le couplet 5 donne son nom et son âge : Sarah, 7 ans. Pour la première fois, alors que tout était latent, le danger devient explicite : d’autres gens en avaient décidé autrement, allusion très douce à la décision de la Solution Finale.

Elle avait tes yeux clairs et elle avait ton âge
C’était une petite fille sans histoires et très sage
Mais elle n’est pas née comme toi ici et maintenant

Le couplet 6 insiste sur la comparaison : cette gamine heureuse te ressemble en tous points, mais elle vivait à une autre époque.

L’euphémisme, le refus de donner plus de précisions, confère à la chanson une certaine universalité. L’écrivain ne rend pas précisément un hommage à Anne Franck. Cela pourrait s’adresser à toute victime similaire, juive ou pas.

Ce thème est tellement fort que le parolier Jean-Jacques Goldman n’a besoin de monter aucune intrigue, à part celle qui nous révèle par petites touches l’identité et le destin de cette fillette. Il n’y a pas de déclencheur, ni Actes ni crise.

L’histoire de cette enfant est évoquée mais en filigrane, d’une manière très floue, très générale, dépersonnalisée. Et cette absence d’intrigue ne pose pas problème au contraire : elle laisse toute la place à l’émotion qui envahit la chanson de bout en bout, la simple vue de ce portrait nous mettant les larmes aux yeux ou presque, à cause de toute l’horreur du non-dit : cette fillette morte en déportation. Comme quoi, pas forcément besoin de grands dispositifs dramatiques à la McKee pour faire de forts effets dramatiques.

Comme toi comme toi comme toi comme toi
Comme toi comme toi comme toi comme toi
Comme toi que je regarde tout bas
Comme toi qui dors en revant à quoi
Comme toi comme toi comme toi comme toi
Comme toi, comme toi, comme toi, comme toi

Qui a écrit la chanson comme toi ?

Comme toi a été écrite par Jean-Jacques Goldman après qu’il ait vu la photographie d’une enfant dans l’album familial. La chanson est sortie en 1982 sur l’album « Jean-Jacques Goldman (Minoritaire) ».

Ecrivez « comme lui »

Vous aussi, comme Jean-Jacques Goldman mais sans Fredericks ni Jones, vous voulez écrire des chansons dans ce style ? Essayez de conserver ces paramètres formels :

  • Décrivez une situation qui soit très dramatique par elle-même, sans bâtir aucune intrigue autour.
  • Mettez quelques « tu » dans les paroles, marqueurs de la présence de quelqu’un de familier dans les parages : cela facilitera l’identification du public aux paroles.
  • Révélez progressivement une ou plusieurs informations essentielles à la compréhension de la situation de base.

Dans ce style nous avons aussi analysé les paroles de C’était l’hiver de Francis Cabrel.

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Apprenez à écrire des paroles de chanson en analysant les plus belles œuvres de la chanson française.

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